mardi 22 novembre 2016

22 novembre 2016





Sibylle, enfin, se réveille.
– Viens par ici, Socrate, plus près de moi, afin qu'en me touchant tu me communiques les sages pensées qui te sont venues en me voyant; car je tiens pour certain que tu as trouvé ce que tu désirais, sans quoi tu ne serais pas revenu vers moi.


Alors Socrate, à nouveau un peu confus, s'assied près d'elle et lui dit avec un peu d'emphase :
– Il serait à souhaiter, Sibylle, que la sagesse fût quelque chose qui pût couler d'une femme qui en est pleine dans un homme qui en est vide par l'effet d'un contact mutuel, comme l'eau passe, par l'intermédiaire de l'éponge, de la coupe pleine dans la coupe vide. S'il en est ainsi de la sagesse, je ne saurais trop priser la faveur de m'allonger à tes côtés et de croître en tous sens; car je me flatte que ton généreuse, ton abondante sagesse va passer de toi en moi et me remplir, que je puisse te remplir à mon tour; car pour la mienne, autrefois défaillante et semblable à un rêve s'est réveillée à la vue de tes visions. Après avoir reçu de ta jeunesse le cadeau et jeté tant de lumière, mon cœur et mon corps se réveillent devant ce que tu me révèle avec tant d'éclat...


Heureusement pour lui, Socrate se croyait seul avec Sybille...
 
– Encore et toujours le pouvoir de l'éloquence, aboya Platon.


Il faut encore une fois rappeler que Platon, le petit chien, ne parle pas et que c'est pure merveille que Socrate le comprenne. Encore faut-il dire que s'il le comprend, il ne sait pas comment. Mais laissons se dérouler l'action.

– C'est pure calomnie, répondit Socrate et cela me surprend, c'est lui qui t'a averti de te bien tenir sur tes gardes. Garde-toi de lui qui sait si bien apparaître et mieux encore disparaître !


Platon ne comprend rien :

– De qui parles-tu ?

Socrate entend mais ne comprend pas :

– De celui qui ne peut être séduit. Du maître de l'illusion qui se pare des épais et mouvants rideaux du mensonge, ultime rempart contre la séduction. Car de n'avoir pas craint la honte du démenti que je vais lui donner tout à l'heure, en lui faisant voir que je ne suis point du tout éloquent, ni impuissant, voilà le comble de l'impudence, à moins qu'il n'appelle éloquent celui qui ne fait que refléter la vérité. 

Platon, plutôt intéressé que surpris :
– Et qui serait ce maître de l'illusion dont tu parlais il y a un instant? 

Aucun commentaire: