Ce jour-là

 

Huit-cent-onzième rapport de Don Carotte
Extrait du Petit Cahier Noir Doré sur Tranche

Pendant que nous interrogions un jeune candide, c'est ainsi nous nommions ceux qui frappaient à la porte de notre communauté, il s'est passé un phénomène étrange. Rien ne nous avait préparé à cela. J'eus l'impression que le hasard avait bien fait les choses. L'un de nos frères, très expérimenté pourtant, eut subitement une sorte de crise pendant laquelle il se mit régresser à très grande vitesse. Nous ne savions ce qui lui arrivait et nous étions tous très indécis, le doute s'était installé, le trouble s'était amplifié et la raison s'était perdue. Bref, incapables de comprendre, ne serait-ce qu'un peu, nous nous querellions pour savoir s'il faisait exprès, s'il était brusquement devenu une sorte d'aliéné, s'il convenait d'observer comme l'on observe une transformation due à une sorte de transfert, s'il s'agissait d'une sorte de retour du naturel, ou encore d'un métempsychose... C'est ainsi que, imaginez notre surprise, nous entendîmes ce dialogue hallucinant avant que nous ne l'emmenions derrière le rideau de scène qui heureusement, comme la pluie, s'était mis à tomber, on eut dit, de sa propre initiative:    

– Reprenez-vous, je vous en supplie... ce n'est pas du jeu... le petit peut nous voir.
– Je lui oi boindi les œufs!
– Ce n'est pas suffisant, rappelez-vous quand vous aviez vous-même les yeux bandés! N'essayiez vous point de voir par les petites ouvertures qui immanquablement se font jour au coin de l’œil?!
– Hi! han! mon bon maitre... Je ne me sonvions pas cle mon onfance... et je vous soidiaile de ne pas ressembler, dans la premiere moUie de sa vie, d voire fidele servileur.
– Rappelez-vous qui vous êtes! Personne n'oublie à ce point qui il est...
– J'sLJis Cadiciion y Ane savant et j'al l'ariostalgie de celiii que ie fus...

Aujourd’hui encore, quand j’y pense, je reste sidéré… et je n’arrive pas à comprendre ce qui s’est passé ce jour-là.