dimanche 21 avril 2024

Réel

« Le clair-obscur n'est-il pas l'éclairage ambigu de la démarche aventureuse? Attirée par la certitude incertaine de l'avenir et de la mort, l'aventure, disions-nous, est à la fois close et ouverte: elle est donc entr'ouverte, comme cette forme informe, cette forme sans forme qu'on appelle la vie humaine; car la vie de l'homme, fermée par la mort, reste entrebâillée par l'ajournement indéfini de la mort. Pour celui qui est dedans, l'immanence signifie le sérieux, l'absence de forme, la clôture destinale, la certitude de mourir; mais pour le joueur l'existence demeure ouverte, et les formes, filles du libre arbitre, allègent la fatalité compacte. Ouverte et fermée, claire et obscure, telle apparaît la vie quand on est à la fois dedans et dehors.
À la ronde qui tourne dans les ténèbres de la nuit sans déboucher nulle part, l'homme de lumière, l'Ulysse des temps modernes désigne l'ouverture: et ce n'est qu'une entr'ouverture. Mais cette entr'ouverture nous donne déjà l'entrevision de l'infini. Le cercle est donc brisé. L'homme de lumière, c'est le principe du temps qui indique à la ronde nocturne le chemin de l'aurore.»

Vladimir Jankélévitch, L’aventure, l’ennui, le sérieux, Champs essais, p. 57-58
 
 



– Loin de moi le désir de vous mettre dans l’embarras, mais pourriez-vous me dire si, dans le dédale des cheminements singuliers, et mis à part le fait que je les entrevois comme des personnages de lumière, Julius ou l’enfant Lune sont… des êtres réels?

– Il me semble que l'embarras que vous manifestez atteste clairement de la difficulté de la question… et je ne puis m’empêcher de vous répondre par une question… Qu’entendez-vous par réel?

– Il me semble que nous tournons en rond dans l’obscurité du langage…

– …et si, par chance, nous réussissions à rompre le cercle… qui peut savoir où cela nous mènerait?

– Au fond, au risque de me moquer quelque peu, le réel serait dans la difficulté de le définir…

– Je crois, si je puis me permettre… que le réel n’est point trop éloigné de la notion de vérité…

–… qui, elle-même, s’enferme dans un absolu refermé sur lui-même!

– Un absolu… dites-vous… refermé sur lui-même… c’est un peu notre maître…

– Et Julius serait celui qui rompt le cercle… et donc…

– Écoutons le professeur Tancrède... 





– J'eus beau utiliser toutes le ficelles de mon métier de marionnettiste, durement acquise lors des trois années d'apprentissage que je passais auprès de Maître Mariolle, rien n'y fit. Il me semblait que Julius demeurait un étranger dans toute l’acceptation du terme et ne participait pas du même monde que moi ou même, apparemment, de quiconque. Soit il ne ressentait nullement ma présence, soit il ne voulait pas me le faire savoir… ou encore… ne le pouvait-il pas. C'est alors que je sus précisément quoi faire. La marionnette était un excellent intermédiaire, mais il fallait qu'elle soit d'un tout autre ordre...

 

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