vendredi 26 avril 2024

Comparses

 
"Que jamais la voix de l'enfant en lui ne se taise, qu'elle tombe comme un don du ciel offrant aux mots desséchés l'éclat de son rire, le sel de ses larmes, sa toute-puissante sauvagerie."
 
Louis-René des Forêts, Ostinato, 1997.
 

 


– Croyez-vous qu'Auguste, à sa manière profite de Julius?
– Il m'est difficile de répondre. Si l'on se fie aux apparences, il me semble les deux s'entendent bien... si j'ose dire! Et si l'image devait être trompeuse, il faut veiller à ne pas en altérer le sens par mous-même. Écoutons ce qu'en dit le professeur Tancrède...

 

 



Ce que chacun peut observer, c’est le sourire d’Auguste… Un sourire permanent qui ne doit pas souvent à son humeur… Qu’il soit heureux ou qu’il soit triste ce sera avec le sourire… Un sourire qui dissimule une sordide histoire que rien ne laisse présager quand on le voit danser et jouer de son accordéon avec Julius. On peut, au passage, se demander comment cela a pu être possible puisque, cela a déjà été dit, Julius est sourd, ses yeux ne s'ouvrent jamais et jamais personne ne l'a entendu articuler un seul mot. Tout peut-on en certains occasions peut-on entendre, à peine ponctué par le souffle, une sorte de mélodie qui se confond facilement avec le vent ou, presque étouffés, de légers cris d'animaux. On pourrait aussi se demander si Auguste, contrairement à la foule, aurait le pouvoir de sentir la présence de Julius et à la manière de Julius d'enchaîner ses mouvements en parfaite harmonie avec les siens sans qu'il s'en aperçoive. Toujours est-il que la synchronicité entre les deux pourrait les faire passer pour des comparses si, pour autant Auguste, en dehors de sa relation avec Julius, eut été muet... ce qui était loin d'être le cas. Si les deux comparses vivaient dans leur propre monde, Auguste lui, vivait pleinement dans celui de tout le monde... Et ce monde le voyait, lui seul. En de telles occasions il y fort à parier que la foule entendait leur musique en pensant que c'était celle d'Auguste qui, d'imprévisible façon, devenait ces jours-là un musicien exceptionnel et l'argent qu'il récoltait alors dans son chapeau était sans commune mesure avec celui de tous les jours...







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