mardi 23 avril 2024

Répons

 « Le répons (le langage) n'est pas à proprement parler une réponse, c'est un écho, c'est une suite d'échos: ce que l'homme entend dans l'écho qu'il déclenche quand il parle, ce n'est pas seulement sa voix, c'est d'abord le fait même qu'il y ait du sens: le langage humain n'invente pas le sens, il doit se contenter de l'éveiller et c'est comme tel, en tant qu'il est cet écho ou ce renvoi, ce répons, que justement il se décale par rapport à ce que l'on attend de lui: quelque chose, en lui, sans fin défaille ou se dérobe.
Ce qui est en jeu avec cette perte, c'est à la fois tout ce qui se ramasse dans ce qu'il est convenu d'appeler l'arbitraire du signe, à quoi il faut toujours revenir, et tout ce qui déferle quand nous submerge le sentiment, si commun et si récurrent, de ne pas parvenir à dire ce que nous avons à dire.»

Jean-Christophe Bailly, Naissance de la phrase, Nous, p.15-16

 
 

– Vous arrive-t-il aussi de percevoir de furtives lueurs?
– Je ne sais comment il faudrait que je comprenne votre question…
– Pardonnez-moi, il m’arrive, certes rarement, mais tout de même plusieurs fois de percevoir, comment dire… quelque éclaircissement…
– Les furtives lueurs…
– C’est cela… mais l’important n’est pas là… 
– Et que serait-ce?
– L’important est ce qu’elles éclairent…
– Et…
– Eh bien je crois… qu’elles éclairent certains lieux, en des temps très anciens… 
– Et que se passe-t-il en ces temps-là?
– Je vois… où je crois voir… les premiers êtres parlants…
– Que disent-ils?
– Je n’en sais rien… je vois mais je n’entends rien… et quand il arrive que j’entende… je n’y comprends rien…
– Cela n’a pas de sens!
– Si… précisément… c’est de cela qu’il est question! Quelque chose, le mot peut-être, est perdu… mais le sens me parvient…





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