lundi 30 juillet 2018

(30) De vives voix



Je repensais alors à cet homme, un marin sans doute, un sac sur l’épaule, que j’avais vu débarquer sur un ponton au milieu de nulle part. Pourquoi pensais-je à lui ? Je crus l’entendre:
– Après que vous cessiez de rêver de voyages, une certaine sorte d’impulsion continue encore pendant longtemps à se conformer au déroulement ludique de votre pensée. Et il arrive souvent que celle-ci finisse par envahir totalement votre réalité et finisse par forcer la porte étroite que vous vous efforcez de fermer.
Je pensais immédiatement qu'il avait perdu l'esprit. Il dialoguait avec lui-même et les voix qu'il donnait à entendre étaient fort différentes les unes des autres.
– Étant donné l’impulsivité inconsciente de ma conscience, source de plaisir et de chagrin, je fus obligé d’admettre qu’il existait également des rapports entre la présence et l’immatérialité, d’une part, et “des états de stabilité et d’instabilité, d’autre part, et de me prévaloir de ces rapports en faveur de l’hypothèse, à savoir que tout mouvement psychophysique dépassant le seuil de la conscience est accompagné de plaisir pour autant qu’il se rapproche de la stabilité complète, au-delà d’une certaine limite, et est accompagné de déplaisir pour autant qu’il se rapproche de l’instabilité complète, toujours au- delà d’une certaine limite, une certaine zone d’indifférence esthétique existant entre les deux limites, qui peuvent être considérées comme les seuls qualificatifs du plaisir et du déplaisir”... »

De fait, après un court instant, ma propre voix, celle de ma pensée, ne se distinguait plus des siennes.
– En visualisant ses gestes, je me mis au diapason et m’efforçais de reproduire son geste en parfaite alliance avec ma pensée. Je hissais la lanterne au niveau de mon regard et me mis avec force, vigueur et sagesse à observer la beauté du phénomène.
Malgré le fait évident qu’une image se formait dans l’ombre de la lanterne, je n’arrivais pas à la distinguer très nettement. En cherchant à décrire et à expliquer ce que j’avais sous les yeux, j’en arrivais à formuler une hypothèse hautement spéculative:
– ... chaque présence possède en elle-même une sorte de lumière qui sans le vouloir fait de l’ombre à son tour... Je ne visais pas à l’originalité et, par ailleurs, les raisons qui m’incitaient à mettre ce principe en question étaient tellement évidentes qu’il n’est guère possible, à l’instar de la lanterne, de ne pas les apercevoir.




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