jeudi 28 mai 2015

28 mai / Le surveillant




Refrain:
Comme chacun, sans trop de décence, la pensée et le discours remontent le cours du temps.
Victor-Hugues évoque en chambre de dégrisement le sombre désir qui nous étreint :
celui du savoir, étrangement mêlé de mystère et de science.
- Comme nous?
- Comme nous.
- N'est-il pas dangereux de dormir quand on sait ce qui se passe dans ce royaume ?


– Je suis peut-être en train de me répéter... Non, il n'y a aucun doute : je me répète...
Automate infini posant question... et guettant réponse.
– Qu'y-a-t-il dans votre regard qui ne puisse être dans le mien ?
– Vous.
Poète brut et intuitif, macrologue mystique.
– Ce n'est pas juste. Moi aussi je me vois, me reflétant dans votre regard.
Stérile répétition de la règle, du même et de la forme fixe.
Le germe de l’union, fraîchement éclos cherche sa voie...
... qui ne demande que terre et labour.
– Vous me l'avez déjà dit il y a peu!
– Je n'en suis pas si sûr. Et si cela était, j'insisterai encore...

– Quelle différence y-a-t-il que je ne puisse voir entre vous et moi ?
– Je vous l'ai dit et répété souvent, tout est dans le regard, ou plus précisément dans l'éclairage.
La règle est la règle. Les pieds bien calés sur le marche-pied du savoir, confortablement assis sur les fondements de l'être, le surveillant fait régner l'ordre et distribue le savoir.
- Un jour, vous aussi, vous le ferez... J'en suis certain. Vous, comme moi...
– Pourquoi cette assurance ?
– Je ne peux vous le dire...
– Et pourquoi ne voulez- vous pas me le dire ?
– Je n'ai pas dit que je ne voulais pas vous le dire, j'ai dit que je ne pouvais pas vous le dire.
– Quelle différence cela fait-il puisque que finalement cela revient au même ?
– Qui vous dit que cela revient au même ?
– Je ne sais pas, mais ne sommes-nous pas pareil ? Vous et moi.





Le germe de l’union vient encore d’éclore...
"L'autre s'arrêtera brusquement quand tous les visages seront allumés."
Cette pensée s'est installée durablement dans l'esprit de Victor-Hugues. Il questionne et se questionne sans aucun retour. Du moins c'est ce qu'il ressent à défaut de croire.
– Que suis-je censé savoir que tu saches et que je ne sache point?
– Tu ne peux... vous ne pouvez le savoir.
Une double mais légère hésitation dans le miroir et le destin s'ouvre comme un brèche dans une faille:
Venu des profondeurs méconnues, le germe de l’union, à nouveau, il le voit cette fois, va éclore...
– Et pourquoi donc, je vous prie ?
– Je ne puis vous le dire...

Pauvre petit être presque sans cervelle. Il ne sait pas. Ou il ne sait plus.
La tête en feu, l'estomac pas encore brouillé et la mort dans l'âme:
– Puissent les amis que nous fréquentons habituellement réanimer avec soins notre esprit défaillant.
Il entend à nouveau, comme un écho:
– C'est la sagesse même. Cette sagesse qui préserve de la bonne entente et qui vous permet d'attendre sereinement la mort sur son propre chemin.
À nouveau la porte s'ouvre.
Dialogues invisibles... Incertaines et répétitives inconséquences...
– ... Infinies mais uniformes.
– De celle dont on ne revient pas ?
– Je vous dis que non. Cette porte n'existe pas.
– Mais alors de quelle porte parlez-vous?
– De celle dont on dit qu'on ne peut la prendre avec l'espoir de revenir.

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