mercredi 13 mai 2015

13 mai / Quand on arrange les choses...



Victor-Hugues, au gré de ses métamorphoses, se demande souvent à quel degré de souche se fera son prochain héritage. Sera-t'il considéré comme descendant de lui-même ?
– C'est probablement pour cette sorte de raison que je suis ici de mon plein gré, bien que d'une certaine manière, j'y ai été amené...
Son esprit se dilue dans les mouvements discrets du temps qui passe et ses mains triturent la lettre qu'il garde dans sa poche et que de temps à autre il ne peut s'empêcher de porter à ses yeux:

Monsieur Victor-Hugues,
Veuillez agréer ces quelques instants comme un hommage de très respectueuse fraternité.
Ces instants précieux, pour vous autant que pour nous, nous avons longuement hésité à vous les offrir, parce que nous savons combien le temps semble vous manquer ainsi qu'à nous-même; cependant nous veillerons à ce que tout vous soit compté très précisément. C'est précisément l'un des objets de cette lettre.
L'autre objet dont nous avons à vous parler est ce qui est écrit dans le journal de votre vie, qui nous est parvenu et auquel nous n'avons rien changé pas même les dates. Nous trouvons, comme Pierre Loti que, "quand on arrange les choses, on les dérange toujours beaucoup".

Victor-Hugues semblait prendre intérêt au discours invisible et poli qui se cache sous les mots , les postures et les tournures. Il n'eût pas lu, écouté même, avec autant de confiance, si sa propre intention n'avait été de faire face à ces instants. Mais cet affrontement, pourtant bien arrêté dans sa tête, l'inquiétait profondément. Ce qui est, dans le fond, la nature même de l'acte. Il s'exposait plus qu'il n'était exposé. Par ennui ou par solitude, il étais venu peu à peu à imaginer et à désirer
cette rencontre. Ceux qui le cherchaient était ceux là même qu'il recherchait.

- J'entends le chien et j'ai peur. Quelque soit sa grandeur, il m'effraie. Jamais encore il ne m'a mordu, mais... Est-il vraiment celui qui nous protège comme le dit mon bon berger, notre bon maître, que je
respecte et que j'aime, ou bien est-il l'héritier de l'immonde bête qui dit agir selon sa nature en respectant le rôle qu'on lui attribue quand sa dent déchire l'un d'entre nous...

 L’interrogatoire reprend :
– Si l'on admet que "personne ne va passer ses jours avec quelqu'un qui lui est désagréable, ou qui ne lui fait pas plaisir; et la nature de l'homme, c'est surtout de fuir ce qui lui est pénible et de rechercher ce qui lui plaît"*, nous nous demandons et vous demandons:
-Qu'est-ce qui a pu vous pousser à venir ici de votre plein gré ?
- Je ne peux être sûr de mon plein gré. Quand je relie les fils qui semblent constituer ce que certains s'obstinent à appeler destins, je ne peux guère être certain d'une seule chose, non que je n'y comprenne rien, mais que tout change constamment, ce qui revient peut-être au même...












*Aristote, Éthique à Nicomaque


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