samedi 12 septembre 2015

12 septembre (30) Ce qui jusque là lui était invisible

 Épisode 30

Viens par ici ; ouvre la bouche :
voilà qui va te donner la parole, mon chat :
ouvre la bouche ;
rien de tel pour vous remettre la tremblotte d'aplomb,
et comme il faut.
Tu ne connais pas tes amis.
Ouvre à nouveau tes babines.

Shakespeare
La tempête
Acte II, scène II ( Stéphano )

Cher Joachim

C'est une chose bien étrange que d'écrire une lettre. Nous nous mettons à parler à quelqu'un qui n'est, le plus souvent, pas là. Son absence elle-même est une "drôle de chose, puisque , d'une certaine manière, cette absence est une présence... À tel point qu'il n'est pas rare que nous... que je me mette à parler à haute voix et , c'est là le plus surprenant, à entendre la voix de cet absence... Comme si nous bavardions "pour de vrai". Naturellement, je ne suis pas vraiment due de cette présence et surtout des mots qu'elle semble prononcer. Je sais fort bien qu'il s'agit là d'une sorte d'imposture, mais tout de même...
Revenons aux propos que nous "échangions" hier. Rappelez-vous:
Notre "Bon Roi" et son gardien qui, de fait, était le nôtre... Et que notre "Bon Roi" tentait d'éduquer selon les principes qu'il croyait être siens et que nous croyions être nôtres...


 « Avant de vous laisser retourner accomplir votre devoir, j'aimerai que vous répondiez encore à une petite question qui, je vous l'avoue, m'intrigue énormément. Vous m'avez dit que vous aviez ressenti avec certitude qu'il avait cessé de penser. N'est-il point ? »
– C'est tout-à-fait exact.
« Sachant que vous n'êtes, à votre corps défendant, pas équipé de l'organe nécessaire à cette opération, comment avez fait pour en arriver à cette conclusion ? »
– C'est très simple, mon bon Maître, nous avons observé qu'il devenait sensible à son environnement.
« Comment cela ? »
– Eh bien, par exemple, au départ de note longue route, à peine passés les premiers temps d'une relative surprise due au changement, à mesure que la température montait, il nous est très vite apparu qu'il était persuadé de traverser un région morne et aride qui ne présentait aucun intérêt et surtout qui lui semblait totalement inhabitée parce que dans son esprit elle était inhabitable. Il marchait en regardant uniquement dans notre direction sans s'intéresser à rien d'autre. Et pour cause, dans son esprit, rien d'autre ne pouvait exister. Cela fut ainsi jusqu'au jour où il nous devenu évident qu'il commençait à voir ce qui jusque là lui était invisible.

« Qu'avait-il vu selon vous et surtout comment savez-vous qu'il a vu ? »

Ho ! Un esprit à lui qui vient me tourmenter
Pour avoir été long à ramener du bois.
À plat ventre : espérons qu'il ne nous verra pas.

Shakespeare
La tempête
Acte II, scène II ( Caliban )

– Il parvenait à hauteur d'une rosette de feuilles épaisses et magnifiques comme il en existe des centaines dans cette région. Ce qui est pour nous une vraie source d'admiration ne suscitait en lui qu'une sorte d'indifférence. Le seul intérêt qu'il leur témoignait était l'ombre quelles projetaient et dans laquelle il lui arrivait de s'asseoir. Ce jour-là au lieu de s'y précipiter nous le vîmes reculer d'un pas, l'air stupéfait. Manifestement il avait vu ce que jusqu'ici il n'avait su voir : deux petits habitants littéralement terrorisés par sa présence...
 

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