Nos chiens, dont la particularité principale était, à part d'être d’être bleu, spécialement ordonnés et instruits, sachant se taire, se sublimaient à se fondre dans la nuit, étaient là d'abord pour surveiller, pour nous renseigner par leurs postures… et avaient été formés pour faire partie de la Grand Chasse... Et, malgré tout, ils n’avaient rien vu venir... Pas plus que nous. Il faut dire que, ce jour-là, comme tant d'autres, les curieux, étaient difficiles à discerner des passants et eux-mêmes difficilement discernables des pèlerins. À cette heure là, des hommes pour la plupart, en grand nombre n'étaient pas là par hasard. Leur présence était autant liée à l'histoire de l'île qu'à la leur propre. Comprendre le passé aide à comprendre le présent… mais pour eux “comprendre le présent les aidait à comprendre leur passé”. Cependant, chacun le sait, tout se mélange. Dire par le geste quelque chose d'invisible, voilà ce que nous faisions... Au loin le vent soufflait encore. Les ruines de l’ancienne cathédrale formaient une sorte de barrière à laquelle se mêlait un long nuage rose. Là où nous nous étions, pour ainsi dire réunis dans la marche, le courant résiduel était presque sans violence. Une douce brise régulière portait le vol des oiseaux de passage et nous rafraîchissait. Ce courant modéré est un vrai trésor. Il permet d'observer les volatiles et le défilé des pèlerins… enfin… du moins, sous l'effet de la contrariété initiale, ce qui, de manière très terre-à-terre, maintenant m'apparaissait comme le gros du troupeau en temps de paix, dans sa banalité édifiante… bien loin des objectifs élevés que nous nous étions fixés. Cependant l’intrus était bien là… et nous avions sous-estimé la différence entre la puissance active et la puissance passive. Pour résumer les choses: «La puissance passive est, pour un étant, d’être mû par un autre étant, la puissance active est la capacité d’un étant de mouvoir un autre étant.»* L’intrus n’était en rien un individu malfaisant… mais il possédait, à son insu, à la fois une puissance active et passive phénoménale…ce qui nous fut néfaste… ô combien…
* Paul Salma, sur le concept de force- La puissance passive chez Aristote, Hégélien et Heidegger
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