mardi 2 juillet 2024

Au jour le jour

 
« Encore un mot d’éclaircissement ou d’obscurcissement. Lorsque je parle de «la fin du livre» ou mieux de «l’absence de livre», je n’entends pas faire allusion au développement des moyens de communication audio-visuels dont tant de spécialistes se préoccupent. Qu’on cesse de publier des livres, au bénéfice d’une communication par la voix, l’image ou la machine, cela ne changerait rien à la réalité de ce qu’on nomme «livre»: au contraire, le langage, comme parole, y affirmerait encore davantage sa prédominance, sa certitude d’une vérité possible. Autrement dit, le Livre indique toujours un ordre soumis à l’unité, un système de notions où s’affirme le primat de la parole sur l’écriture, de la pensée sur le langage et la promesse d’une communication un jour immédiate ou transparente. Or, il se pourrait qu’écrire exige l’abandon de tous ces principes, soit la fin et aussi l’achèvement de tout ce qui garantit notre culture, non pas pour revenir idylliquement en arrière, mais plutôt pour aller au-delà, c’est-à-dire jusqu’à la limite, afin de tenter de rompre le cercle, le cercle de tous les cercles: la totalité des concepts qui fonde l’histoire, se développe en elle et dont elle est le développement. Écrire en ce sens (en cette direction où il n’est pas possible, seul, de se maintenir, ni même sous le nom de tous, sans des tâtonnements, des relâchements, des tours et des détours dont les textes ici mis ensemble portent trace, et c’est, je crois, leur intérêt), suppose un changement radical d’époque – la mort même, l’interruption – ou, pour parler hyperboliquement, «la fin de l’histoire»...»
 
Maurice Blanchot, L'entretien infini, Gallimard
 
 

 
– Seriez-vous en mesure de nous conter la fin de l'histoire?
 Vous le savez mieux que moi, ce n'est pas possible! Je n’en suis point l’auteur… Tout se passe au jour le jour... la fin n'est point là... que je sache!



Chroniques d'Auguste
 
Où l'on apprend que tel un tourbillon d’un bout à l’autre de lui-même, Auguste, aussi loin que son regard puisse le porter,  n’y voit rien.
 
 C’est un crépuscule dont je ne sais qui de la nuit ou du matin se lève. Sur la crête des nuages, rien ne peut y être distingué.
– Ma tête et la terre tournent sans savoir qui les fait tourner...



Chaque sens de l'écriture peut être lu de façon indépendante. Chacun, selon sa position, verra ce qu'il peut. C'est pour cela qu'Auguste, sans aucun effort, multiplie les points de vue. Je ressens aujourd'hui avec le plaisir des sens ce qui demain m'enchantera par le souvenir, dit-il.

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