dimanche 14 juillet 2024

Tendance

 

« Erhart savait que ces lobbyistes n'étaient pas forcément des cyniques, ou pas tous. Ils croyaient vraiment à ce qu'ils disaient, d'abord parce qu'ils n'avaient jamais rien appris d'autre, et ensuite parce que c'est ainsi qu'ils avaient appris à gagner leur vie. Leur mantra était bien payé, tout le reste l'était moins ou pas du tout. Au moins, c'était une expérience. On ne pouvait pas reprocher à un homme sa quête de confort, pas plus que sa quête de richesse, mais on pouvait lui reprocher d'être vénal.
Et ils l'étaient. Objectivement. Par la manière dont ils ignoraient les idées qui ne s'intégraient pas au schéma qu'ils étaient payés pour défendre. Quand ils parlaient du futur, ils parlaient d'un prolongement du présent qui serait aussi dénué de frictions que possible, mas pas de l'avenir. Cela, ils ne le comprenaient pas, persuadés que le futur est constitué de tendances qui s'imposent de manière irrésistible. Lors de la dernière session, un lobbyiste avait asséné: La tendance va actuellement, sans le moindre doute, dans la direction xy - nous devons nous préparer à cette évolution! Erhart avait répondu: À la fin des années vingt, la tendance allait sans le moindre doute dans la direction du fascisme dans toute l'Europe.
Était-il juste de se préparer à cette évolution ? N'aurait-il pas été juste, au contraire, d'y opposer une résistance?
Les vaniteux en étaient restés bouche bée, les lobbyistes avaient eu un sourire oblique et, de manière stupide, les seuls à hocher la tête avaient été les idéalistes, qui avaient cependant décroché un peu plus tard parce qu'il y avait dans le reste des propos d'Erhart des détails qu'ils ne pouvaient pas suivre.»

Robert Menasse, La capitale,Verdier poche, p.330-331




« Aussi ordinaire, paisible et harmonieux le réel soit-il, il ne laisse pas de mettre en garde contre les courants sous-jacents aux apparences dont l'éruption est susceptible de tout mettre sens dessus dessous.»

Batya Gour
Jérusalem,
une leçon d'humilité


« Assez parlé. Aux actes maintenant et joignons l'agréable à l'utile ! Allez et que cette petite sphère si parfaite, symbole de notre amitié, me soit ramenée ainsi que tout ce qu'elle va éclairer. Surtout ne perdez rien en chemin et soyez comme elle: aussi vive qu'attentive ! »


Ainsi, un fois encore le monde se renverse. Les flux s'inversent et me voilà sans regard distrait courant comme un idiot derrière sa "baballe" et qui plus est heureux comme un chiot d'œuvrer selon sa volonté qui se double de mon bon plaisir.
 Doux rêveur à la chance inouïe, je cours sans savoir et saute allégrement par dessus les marches rigoureuses et les secrets trop bien gardés, méconnaissant au passage les sinueux et rougeoyants éclats jaillissant des noirs tréfonds de l'âme humaine. Après tout, nous ne faisons partie que d'un ensemble et non de la totalité dans laquelle se perd l'inéluctable intrication des faits et des valeurs. Serions-nous à même de distinguer les ensembles des touts que nous ne pourrions encore être sûr de rien. Et surtout pas de ces riens que certains s'obstinent à nommer destins...
Je ne suis qu'un accident venu troubler momentanément l'esprit humain de notre despotique Pater dans son fonctionnement régulier et peut-être infaillible, mais il est parfois bien reposant de n'être qu'un chien...


"Si l'erreur est corrigée chaque fois qu'elle est décelée,
alors le chemin de l'erreur est celui de la vérité."


H. Reichenbach.


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