lundi 30 septembre 2024

Forêt

 
« Jadis, on dit qu'il n'y avait pas de terre. Il y avait juste un homme assis sur un radeau qui flottait. Autour de lui, de l'eau à perte de vue. Au-dessus de lui, le ciel. On dit qu'un rat musqué se tenait aux côtés de l'homme. Ils dérivaient au gré des courants. Un jour, tous deux en eurent assez d'être sur le radeau. Alors l'homme dit au rat musqué:
– Si tu prenais un peu de glaise dans tes griffes, je fabriquerais une terre où nous pourrions marcher.
Le rat musqué répondit:
– Je nage tout le temps dans cette eau et je n'y ai jamais vu de terre. Je me demande à quoi ça ressemble en bas. Que se passerait-il si je descendais vraiment profond?
-– Essaie! dit l'homme.
Le rat musqué plongea et disparut sous la surface. Après un moment sa petite tête émergea de nouveau.
– Je suis allé plus profond que d'habitude, mais j'ai eu peur et je suis vite remonté. Je vais réessayer.
 Il se reposa un peu et plongea encore. II s'absenta plus longtemps. Lorsqu'il réapparut, haletant, il dit:
– Je crois que j'ai vu de la terre, mais j'étais hors d'haleine.
Il reprit son souffle et descendit une troisième fois. Il resta invisible de longs instants. Alors que l'homme pensait qu'il ne remonterait plus, le rat musqué se hissa sur le radeau et s'affala épuisé aux côtés de l'homme. Il ouvrit péniblement ses griffes.
– Là, dit-il.
Il tendit sa patte, la fit basculer et versa un peu de graviers et de sable dans la main de l'homme. On dit que l'homme s'en servit pour créer la terre sur laquelle nous marchons aujourd'hui.»

Nastaja Martin, 
 
 


 
Telle une forêt fantôme la ville s’enfonce Les pieux tels des arbres sans branches et racines pénètrent par en haut et par en bas dans la nuit.
Julius, ayant une fois pour toute cessé de vouloir parler, il se mit à fredonner… Quelque chose en lui se mit à danser. De loin en loin les gestes ont suivis et lui, de plus en plus près les suit à son tour. Tant du ciel, comme un saphir rayonnant, que de la terre, inquiétante et invisible, telle la gueule béante de la mort, les souvenirs reviennent. Il craint de cette mémoire la contagion.


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