jeudi 19 septembre 2024

Lointain

 
« À la fin, je serai enroulé comme par un cocon de fils translucides de milliards de vies virtuelles, de billions de voies sur lesquelles j'aurais pu m'engager, changeant de manière infinitésimale l'angle de progression. Nous nous retrouverons, après l'aventure d'une vie, mes milliards de moi, possibles, probables, accidentels et nécessaires, chacun arrivé au bout de son histoire, et nous nous raconterons nos réussites et nos échecs, les aventures et les moments d'ennui, la gloire et la honte. Aucun ne prévaudra sur les autres, car chacun est au centre d'un monde qui n'est en rien plus irréel que celui que je nomme « réalité». Tous les mondes infinis générés par les choix et les accidents de ma vie sont aussi concrets et vrais les uns que les autres. Mes milliards de frères avec lesquels je parle à la fin, dans l'hypersphère additionnant tous les récits générés par mon ballet dans le cours du temps, sont riches ou pauvres, ils meurent jeunes ou de grande vieillesse (certains ne meurent jamais), ils ont du génie ou sont des ratés, des clowns ou des entrepreneurs de pompes funèbres. Si rien de ce qui est humain ne m'est étranger, finalement, j'embrasse à travers mes frères réels-virtuels toutes les possibilités et j'accomplis toutes les virtualités incluses dans les articulations de mon corps et de mon esprit.»

Mircea Cartarescu, Solénoïde, Points, p.52
 
 

 – Que vous aurait-il dit encore?
Ce n’était point la suite mais, comme il lui arrive souvent, il s’est mis à raconter un petit détail, une sorte de souvenir dont on ne sait à qui il pourrait appartenir et auquel il nous est impossible de nous situer…
 

L'enfant semble avoir beaucoup grandi. La terre à ses pieds semble bien lointaine. Délaissant sa maison vide, il part en direction de cet appel qui l'a fait se lever. De drôles de vagues remuent au fond de son coeur. L'enfant s'interroge.
– Où donc est passé ce géant que je croyais avoir sauvé ?
La voix du large à nouveau se fait entendre:
– "Mieux vaudrait pour moi la démence: mes pensées alors seraient distraites de mes chagrins et mes malheurs dans les errements de l'imagination perdraient la conscience d'eux-mêmes."*


Au dessus du toit d'une maison vide
Le ciel se réveille
Timidement, venant des profondeurs
une autre voix se lève
dans ce silence habité
De larges mouvements impatients
endorment les passants impatients
Lidane Liwl
Édition "Au fond du vrai attend le rêve"
*Le roi Lear

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