Commentaire de l'enfant Lune
Extrait du Grand Cahier Bleu
Ces quelques mots que j'écrivis ce jour-là ne furent que la continuation de l'acte qui a conclu ce que j'écrivais quelques jours plus tôt et dont je ne donnerai pas copie ici. Je tenais, à ce moment-là, entre mes mains, ce texte que je n'avais pas adapté aux circonstances, non, c'étaient les circonstances... J'essaie de dire que les circonstances et le texte que j'écrivais ne formaient qu'un seul et unique événement. Je sais c'est difficile à comprendre. Ce texte que j'avais entre les mains faisait partie d'un instant bien précis. On pourrait croire que l'homme qui a entre ses mains un texte, en possède l'histoire. Je n'en crois rien. Celui qui possède l'histoire, aussi petite ou grande soit-elle, ne fait que la tenir "entre ses mains". Ces mains, pleines de l'instant, immanquablement s'ouvriront et tout ce qui s'y trouvait se répandra dans la nuit et les lumières fugitives du temps. L'oiseau s'envolera, c'est certain. Alors l'homme, comme le corbeau de la fable, se retrouvera avec les mains vides. Sa bouche aussi, libérée, sera vide. Il ne pourra compter que sur sa mémoire pour la remplir et raconter. Cette mémoire remontera les fils du temps et retrouvera sans impatience ce qui est enfermé dans le cœur des choses vivantes. Au centre des cercles concentriques de la branche coupées se trouve un secret bien gardé. Il nous révèle le secret moment et le lieu invisible où cette branche, alors inconnue d'elle-même, est apparue sous l'action d'une force insaisissable. Lieu et temps sont indissolublement liés. Ce lieu et cette force sont les mêmes pour nous tous: invisibles et inconnaissables.
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