« Quand
Dieu quittait lentement la place d'où il avait dirigé l'univers et son
ordre de valeurs, séparé le bien du mal et donné un sens à chaque chose,
don Quichotte sortit de sa maison et il ne fut plus en mesure de
reconnaître le monde. Celui-ci, en l'absence du Juge suprême, apparut
subitement dans une redoutable ambiguïté; l'unique Vérité divine se
décomposa en centaines de vérités relatives que les hommes se
partagèrent. Ainsi, le monde des Temps modernes naquit et le roman, son
image et modèle, avec lui.»
Milan Kundera, L’art du roman, Gallimard
Pour les habitants de l'île, le monde tourne autour d'un immense volcan. Après chaque éruption, quelque soit sa grandeur, quand les flammèches deviennent rares, la roche, une fois refroidie, en d'imposants ruissellements, coulées superposées, torsures, fonds, double-fonds, fissures, dédales et craquelures baroques, les parois rocheuses de l’île présentent en de nombreux endroits, pour un esprit contrariant et fort enclin à l'imagination, l'apparence d'une construction dont les plans eussent été conçus par un architecte un peu dément. Le Colonel Pantin, en qui tout son petit monde voyait ce qu'il n'était pas, était lui-même la victime consentante d'une paréidolie assez marquée. Il voyait, en certains endroits, la Bouche d’ombre.
Et cette bouche dit des vérités autrement plus profondes et
sérieuses que nous, comme vous vous en doutez...
Au loin, sous la cendre où la roche s'endort,
L'ile, vaste brûlot, se tord dans un accord.
Les êtres qui l'habitent, enfants du feu vivant,
Savent que sous leurs pas gronde un monstre mouvant.
Le monde est un volcan, et sous l'ombre étouffée,
Le temps s'y fait et s'y défait, pierre soufflée.
Chaque cri de la terre est un glas assourdissant,
L'incertaine lave, en mourant, forge un règne éclatant.
Quand le souffle s'apaise et que l'ombre s'efface,
Quand le brasier vaincu s'engloutit dans l'espace,
La roche refroidie, sculptée par tant d'élans,
Fige en torses crispés les torrents violents.
Le sol, noir et brisé, se dresse en majesté,
En chaos convulsif, en brumes tourmentées.
Coulées entrelacées, crêtes désordonnées,
Dédales insensés d'ombres hallucinées.
Là, pour l'âme aux songes et aux visions troublées,
Tout paraît dessiné par des mains égarées.
Un architecte fou, en quelque âge effacé,
Semble avoir ciselé ce rêve fracassé.
Et moi, vêtu d'or et d'étoffe, Colonel et pirate
Voyait dans ces reliefs, où la nuit se dilate,
Des lèvres entrouvertes, surgissantes crevasses,
Semblant prêtes à dire un oracle disparate.
- C'est la Bouche d'Ombre, un oracle enfoui,
Qui murmure aux volcans le secret de la nuit.
Ses mots sans lendemain, au ton grave et funeste,
Glissent sous la surface en un murmure céleste.
- Elle dit des vérités plus noires que nos âmes,
D'un souffle plus profond que l'abîme des flammes.
Mais qu'importe la voix, qu'importe le discours,
Si tout n'est qu'un écho qui s'efface au grand jour?
Ce n'est point la parole, insondable et voilée,
Qui noue la certitude au rêve immaculé,
Mais le flot souterrain, invisible et secret,
Qui tisse entre les cœurs un accord indiscret.
Ainsi, sous cette île, sous ces pierres sans âge,
Rôde un murmure ancien, indocile présage.
Un fond commun, obscur, où se forge l'espoir,
Et où l'homme à tâtons apprend à y croire.
Mais, parfois, dans l'ombre où le roc l'enlace,
Où la pierre échauffée se fige et se fracasse,
Un œil rêveur croit voir, au détour d'un contour,
L'illusion d'un portail, érigé sans retour.
Un porche énigmatique, ouvragé par les flammes,
Dont les pleurs pétrifiés récitent leurs gammes,
Un fronton tourmenté, qu'un regard incertain
Oserait comparer à des temples lointains.
Est-ce l'œuvre du feu, du hasard, de l'abîme,
Ou le songe insensé d'un esprit qui s'anime?
Nul ne saurait le dire, et pourtant, par éclats,
S'esquisse une façade aux courbes d'autrefois.
Siège béant qui préside aux supposés destins
Cathédrale éphémère où la misère fait un festin.
L'ile, vaste brûlot, se tord dans un accord.
Les êtres qui l'habitent, enfants du feu vivant,
Savent que sous leurs pas gronde un monstre mouvant.
Le monde est un volcan, et sous l'ombre étouffée,
Le temps s'y fait et s'y défait, pierre soufflée.
Chaque cri de la terre est un glas assourdissant,
L'incertaine lave, en mourant, forge un règne éclatant.
Quand le souffle s'apaise et que l'ombre s'efface,
Quand le brasier vaincu s'engloutit dans l'espace,
La roche refroidie, sculptée par tant d'élans,
Fige en torses crispés les torrents violents.
Le sol, noir et brisé, se dresse en majesté,
En chaos convulsif, en brumes tourmentées.
Coulées entrelacées, crêtes désordonnées,
Dédales insensés d'ombres hallucinées.
Là, pour l'âme aux songes et aux visions troublées,
Tout paraît dessiné par des mains égarées.
Un architecte fou, en quelque âge effacé,
Semble avoir ciselé ce rêve fracassé.
Et moi, vêtu d'or et d'étoffe, Colonel et pirate
Voyait dans ces reliefs, où la nuit se dilate,
Des lèvres entrouvertes, surgissantes crevasses,
Semblant prêtes à dire un oracle disparate.
- C'est la Bouche d'Ombre, un oracle enfoui,
Qui murmure aux volcans le secret de la nuit.
Ses mots sans lendemain, au ton grave et funeste,
Glissent sous la surface en un murmure céleste.
- Elle dit des vérités plus noires que nos âmes,
D'un souffle plus profond que l'abîme des flammes.
Mais qu'importe la voix, qu'importe le discours,
Si tout n'est qu'un écho qui s'efface au grand jour?
Ce n'est point la parole, insondable et voilée,
Qui noue la certitude au rêve immaculé,
Mais le flot souterrain, invisible et secret,
Qui tisse entre les cœurs un accord indiscret.
Ainsi, sous cette île, sous ces pierres sans âge,
Rôde un murmure ancien, indocile présage.
Un fond commun, obscur, où se forge l'espoir,
Et où l'homme à tâtons apprend à y croire.
Mais, parfois, dans l'ombre où le roc l'enlace,
Où la pierre échauffée se fige et se fracasse,
Un œil rêveur croit voir, au détour d'un contour,
L'illusion d'un portail, érigé sans retour.
Un porche énigmatique, ouvragé par les flammes,
Dont les pleurs pétrifiés récitent leurs gammes,
Un fronton tourmenté, qu'un regard incertain
Oserait comparer à des temples lointains.
Est-ce l'œuvre du feu, du hasard, de l'abîme,
Ou le songe insensé d'un esprit qui s'anime?
Nul ne saurait le dire, et pourtant, par éclats,
S'esquisse une façade aux courbes d'autrefois.
Siège béant qui préside aux supposés destins
Cathédrale éphémère où la misère fait un festin.
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