samedi 1 août 2009


Cher Joachim,

Je ne reçois plus de réponses à mes lettres. Je ne sais si je dois m'en inquiéter ou m'en réjouir. Dans le premier cas, je ne puis savoir qui les reçoit et mon inquiétude viendrait du fait qu'elles puissent être interceptées et dans le second ce serait le contraire : mes lettres ne seraient pas interceptées et le silence que je subis ne serait que le résultat de votre volonté. De toutes façons je suis prisonnier de ce silence et je commence à m'y habituer. J'y fait face comme autrefois nous faisions face aux vagues. Nous avions grandi et fini par ne plus nous enfuir et nous aimions ce moment de déraison pendant lequel le tourbillon de la vague rejoignait celui de la vie et de la mort à l'endroit exact où le haut devient le bas, l'après rejoint l'avant et où tout fini par s'inverser sur le sable de la plage. Il ne restait de ces instants violents que quelques courbatures et quelquefois quelques petites blessures superficielles.
Je ne sais si ma mémoire fait face aux vagues d'aujourd'hui ou si ce sont les vagues qui sont le support de cette mémoire. Vous le voyez, cher Joachim, tout cela est très confus. Je me raccroche à ce que je crois être le plus concret. Si tout ce qui arrive sur cette plage n'est que vestige, j'en suis un aussi. Comment suis-je arrivé jusque là ? Je ne vous l'ai pas encore raconté. Malheureusement, je ne me souviens pas de l'entier du voyage. Quand j'ai eu fini d'écrire mon mémoire que je devais présenter au Conseil, j'y ai été introduit. C'est très étrange, je sais de manière certaine que j'y suis entré mais, excepté quelques phrases qui résonnent encore dans ma tête quand je les y convoque, je ne me souviens de rien. Rien de ce qui s' y est passé ne forme un souvenir concret, ce qui est incompréhensible pour moi, vous me comprendrez aisément.
J'étais embarqué ou j'avais été embarqué, de gré ou de force, je ne le sais et peu m'importe, sur une de ces embarcations que heureusement nous connaissions bien.


Je dis heureusement car le temps n'était pas des plus cléments et j'étais seul à bord. Quand je suis revenu à moi, si je puis dire, car je ne me souviens pas non plus avoir perdu connaissance, nous étions déjà en vue de nos îles.
Aujourd'hui, je vous l'avoue, ce sentiment d'appartenance m'étonne et quelque chose me dit que je leur appartiens bien plus qu'elles ne m'appartiennent.
Cher Joachim, si j'attends encore une réponse de votre part, je dois vous dire qu'elle n'est certainement plus aussi urgente que ce qu'elle paraissait il y a quelques jours à peine. La mission que je désirai vous confier, vous me comprendrez, n'est plus d'actualité en ce qui me concerne. De plus, il faut que je vous l'avoue, en dehors du fait que mon pouvoir s'est réduit à ma personne, mes sentiments changent...

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