vendredi 14 août 2009


Je n'ai eu guère qu'un seul et bref instant pour visualiser la trajectoire des traces avant que les vagues ne les effacent, mais c'était bien suffisant. De fait, je ne pouvais douter que la bête ait suivi le même chemin que moi durant tous ces jours où j'ai arpenté le rivage. Je me suis mis en route, persuadé que je pourrais la retrouver les yeux fermés. Effectivement je ne voyais rien mais j'étais sûr d'être sur le bon chemin. Un étrange sentiment où se mêlait l'espoir et l'abandon m'avait envahi. Il me rendait confiant et joyeux. Une joie presque enfantine qui ressemblait à celle que l'on éprouve lorsque pour la première fois on est convié à se promener le soir avec ses parents dans le monde des adultes. Je marchais lentement, l'œil aux aguets, espérant revoir une de ces minuscules traces qui se suivaient jusqu'aux deux tours. Arrivé aux pieds de celles-ci l'eau atteint le bord de la falaise mais un peu plus loin celle-ci s'est effondrée et quelques très gros rochers forment une petite crique dans laquelle quelques poissons profitent d'un calme relatif. C'est là que je viens pêcher les quelques poissons qui constituent la base de mon alimentation. Je ne vis aucune trace. Tout avait disparu, y compris ma belle assurance. Il n'a pas pu passer par là, ce n'est pas possible. Les rochers forment des à-pics infranchissables qu'il faut contourner dans les vagues, toujours impressionnantes à cet endroit à cause de la configuration des fonds et des courants puissants qui y règnent en monarques déments. De l'autre côté de cette crique, commence une zone où je ne pénètre que rarement. C'est le royaume de Neptune, comme je l'appelle. Le vent y souffle si violemment et si bruyamment qu'il faut marcher plié en deux en fermant les yeux pour ne pas pleurer et en plaquant les mains sur ses oreilles pour ne pas devenir fou. Des vents irréguliers et virevoltants qui ne mollissent que rarement vous invitent en permanence à vous perdre. Quelques centaines de mètres plus loin, la bande de sable s'élargit encore et semble s'évanouir dans le lointain. Impossible dans ce désert miniature de discerner la moindre empreinte tant les petites dunes sont continuellement balayées et transformées par les vents. Impossible aussi d'imaginer que quelqu'un ou quelque bête puisse avoir choisi d'élire domicile dans un climat aussi rude et imprévisible. Il fallait se résoudre à l'évidence, le chien avait bel et bien disparu et pourtant j'en étais certain, j'allais le retrouver. Je n'en avais aucun doute... enfin je tentais de m'en persuader.

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