mercredi 23 mai 2018

Selon le point de vue


« Qu’en est-il des intellectuels ? Qui sont-ils ? Qui mérite de l’être ? Qui se sent disqualifié si on lui dit qu’il l’est ? Intellectuel ? Ce n’est pas le poète ni l’écrivain, ce n’est pas le philosophe ni l’historien, ce n’est pas le peintre ni le sculpteur, ce n’est pas le savant, fût-il enseignant. Il semble qu’on ne le soit pas tout le temps pas plus qu’on ne puisse l’être tout entier. C’est une part de nous-mêmes qui, non seulement nous détourne momentanément de notre tâche, mais nous retourne vers ce qui se fait dans le monde pour juger ou apprécier ce qui s’y fait. Autrement dit, l’intellectuel est d’autant plus proche de l’action en général et du pouvoir qu’il ne se mêle pas d’agir et qu’il n’exerce pas de pouvoir politique. Mais il ne s’en désintéresse pas. En retrait du politique, il ne s’en retire pas, il n’y prend point sa retraite, mais il essaie de maintenir cet espace de retrait et cet effort de retirement pour profiter de cette proximité qui l’éloigne afin de s’y installer (installation précaire), comme un guetteur qui n’est là que pour veiller, se maintenir en éveil, attendre par une attention active où s’exprime moins le souci de soi-même que le souci des autres. »
Maurice Blanchot, Les Intellectuels en question, 1996 (Fourbis)


– Méfie-toi petit d'homme... selon le point de vue que l'on adopte la cage n'a point de porte...

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