mercredi 16 mai 2018

Tout s'éloigne...


« Ma santé va plutôt bien et mon esprit a été curieusement moins chagrin. Même dans ces conditions une vague inquiétude me torture, une chose que je ne puis appeler autrement que démangeaison, comme si j’avais des pustules à l’âme. Ce n’est que dans ce langage absurde que je peux vous décrire ce que je ressens. Tout cela, cependant, ne s’apparente pas vraiment à ces états d’esprit chagrins, dont je vous parle parfois, et où la tristesse est de toute évidence une tristesse sans cause. Mon état d’âme actuel a une cause. Autour de moi tout s’éloigne et s’effrite. Je n’emploie pas ces deux verbes dans la perspective de la tristesse. Je veux seulement dire que, chez les gens que je fréquente, se produisent ou vont se produire, de changements, des achèvements de période de vie, et que tout cela, comme pour un vieil homme qui, voyant mourir autour de lui ses amis d’enfance, imagine sa mort proche, me suggère je ne sais de quelle mystérieuse façon que mon existence doit, va changer aussi.»

Fernando Pessoa, Livre(s) de l’inquiétude, 1982, Marie Hélène Piwnik, Christian Bourgeois, p.217




 – Quand je dis que tout s'éloigne, il me suffit imaginer, de m'imaginer, face à moi-même, en train d'entendre ce que je dis au lieu de le dire... et alors j'entendrais, je m'entendrais dire: tout s'approche...

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