jeudi 11 décembre 2025

L’imposture est un miroir

 

Pendant que Don Carotte cherche entre les pages l’ami que le livre a perdu… le monde romanesque d’Igniatius, d’ordinaire si bavard, respire de travers. La roue du destin grince. L'ombre manque au soleil. Igniatius, au lieu d’écrire se bat avec Lucian. Sang Chaud, de son côté, perdu ou simplement perdu de vue, parle dans le vide. Puis, des deux côtés du monde, le ton monte. Ils s’exclament à plein poumon en des cieux incléments. Sous le ciel indifférent, Sang Chaud sermonne l’horizon. Mais aucune voix, grave ou familière, ne lui répond.
L’imposture est un miroir: elle montre autant celui qui trompe que celui qui croit. Elle n’existe que parce qu’elle rencontre une attente, un besoin ou une crédulité.
– Vous êtes étrangement muet, Don Carotte ou Monsieur le narrateur... qui que vous soyez! 
 
 


– Mon ami! Mon écho! Où êtes-vous Don Carotte? Où donc vous cachez-vous? Il y a peu, vous étiez là devant moi... ou était-ce une illusion... un simple dessein. Prisonnier d'un enchanteur, j' essayais honnêtement de vous aider dans la mesure de mes faibles moyens. J'en étais certain... Je vous croyais homme capable de ramener quelque lambeau de vérité et maintenant je ne crois plus en votre présence... ou bien... brusquement une idée lui monte à la tête, se pourrait il que vous soyez devenu ce que nous choisissons de montrer de nous-mêmes... c'est-à-dire bien peu... mais si trompeur…
Resté seul au milieu d'un archipel trop grand pour lui, Sang Chaud, peu à peu retrouve ses esprits. Ayant vu Don Carotte disparaître devant ses yeux, il peine à croire... 
– Et si croire était une imposture... L’imposture n’est pas seulement une faute morale, c’est un phénomène complexe où se croisent identité, désir, pouvoir, fiction et quelque part de vérité… quelque fois. Elle met à nu les attentes sociales autant que les vulnérabilités individuelles. Elle interroge la nature même du vrai et du faux, révélant la frontière entre les deux… jamais totalement fixe. Elle dépend du regard, du contexte, et de la confiance que l’on accorde et vous m'avez trompé... Don Carotte... ou devrais-je dire Igniatius... ou qui sais-je encore... Était-ce un jeu... où quelque traître auteur nous aura effacé... ou peut-être un symptôme... Dans cet espace incertain, je m'interroge... Il s’y passe des choses que je ne puis connaître. Je voudrais vouloir par moi-même... être maître de mes propres idéaux. Et soudain, au-delà du fumet surplombant le volcan, il voit, au bord de l'image, un étrange éblouissement, une marge d’un blanc éclatant, vibrante, ouverte, comme une blessure lumineuse dans le récit.
Bien loin de là, Igniatius, sent bien que le récit qu'il a imaginé lui échappe. Il se retourne vers Lucian.
– Rien ne va plus Lucian...
– Cela fait partie du jeu... Igniatius... Le jeu que nous ne pouvons éviter... Le grand jeu... 
 
 
 

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