dimanche 11 octobre 2015

11 septembre (58) Lointaines lunes

Épisode 58

"Celui qui sait voyager ne laisse pas de traces.
Celui qui sait parler ne fait pas de fautes.
Celui qui sait compter n'a pas besoin de boulier.
Celui qui sait garder n'a nul besoin de serrures
Pour fermer, ni de clés pour ouvrir.
Celui qui sait lier n'utilise pas de cordes
Pour nouer.

Ne pas révérer l'enseignement subtil
Ne pas respecter la matière brute
Amène grande erreur
Quel que soit le savoir.

La parole conduit au silence
Autant en pénétrer le sens.

L'essentiel est énigme."


Lao Tseu





– Montez, chevalier ! Et que votre âme ne reste céans !

Lancinante
– C’est en pensant à vos paroles d’hier, quand, de grand cœur, vous m’avez prié de vous laisser élargir mon point de vue sur les étendues infinies, que j'ai décidé de ne point mourir sur le champ. Je pensais que personne ne serait plus capable que vous-même, si vous le voulez encore, de poursuivre un si noble mais poussiéreux chemin. Après avoir si longtemps hésité, vous avez engagé votre si profonde personne dans une périlleuse quête et combattu le doute qui sans cesse nous étreint.Vous avez su trouver les mots et les gestes qui réveillent. Il n’y a que vous qui avez partie liée à ces temps anciens, ruines majestueuses mais rugueuses, parmi les hommes de ce temps qui puissiez m'insuffler cet air large, profond et pourtant vif qui me convienne. Maintenant que j’ai traité la question dont vous m’aviez chargé, je vous prie à mon tour de me traiter, non comme destrier, mais comme serviteur et compagnon. Je ne suis plus guère qu'un misérable et inconfortable sac de peau, mais ce qu'il contient ne recèle pas que des os et des maux. C'est ainsi que, sur mon dos, vous pourrez à votre tour étendre votre regard aux plus lointaines lunes. 

Cher Joachim
Pouvions-nous nous douter de ce qui autour de nous allait se passer. Aurions-nous pu prévoir tout cela? Je vous avoue qu'il m'arrive d'avoir des doutes, bien sûr, mais aussi je crois que nous n'avons pas su lire ce que nous avions sous les yeux. Et c'est là que je dois reprendre ce que je vous disais à propos du paysage. Tout le monde sait ce qu'est un paysage... personne ne doute du fait qu'il est là sous leurs yeux. Et pourtant, là, sous leurs yeux, sous nos yeux, il y a tout sauf un paysage... Une multitude infinies de phénomènes existent, interagissent, se transforment, disparaissent réapparaissent en un mouvement probablement perpétuel sans que nous ne puissions le moins du monde l'appeler un paysage... A moins que... À moins que nous ne décidions, par la grâce du langage, de réduire, d'enfermer cet infini insaisissable par nature, en un mot : le paysage...

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