mardi 6 octobre 2015

6 octobre (54) La parole est donnée

Épisode 54 
«Il m'est arrivé aussi d'être pris par une irrésistible envie de danser, de participer à ce chaos féerique dans lequel j'espérais naïvement trouver une place.»
Eloy Novo, Flatteries et autres strates



Cher Joachim
Vous le savez aussi bien que moi, notre homme que nous avions fait Roi n'était pas le moins du monde aveugle. Il eut fallu que nos lui apprenions à ouvrir les yeux. Étions-nous conscient que nous faisions exactement le contraire?.. Difficile de le savoir... Un peu tout de même...
Dans nos yeux, derrière le rideau de volutes ordonnées et voluptés désordonnées, incapables de sentir, ne scintillent que des feux qui ne sont point les nôtres. Il serait dangereux et vain de croire que l'on peut sans danger s'en approcher et plus encore de vouloir se les approprier. Au-delà de la caresse furtive, l'idiot qui tend la main risque fort de s'y brûler. Alors de ses yeux qui croyaient rêver, face au ciel qui se voile, surgiront de belles et chaudes larmes dans lesquelles le feu et tout ce qu'il croyait voir poursuivront seuls leurs chemins dans un longue chute jusqu'à pénétrer la terre d'où elles sont issues.
Au milieu des cendres, si près, si loin, d'autres feux et d'autres yeux y feront semblant de se voir et sur la surface bien polie du miroir de nouvelles larmes reprendront chacune leurs chemins. On ne peut voir que ce que l'on sait voir. Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. La parole est donnée puis reprise... Ainsi va le monde.


«Bref, c'est ici bas que les sots vivent l'enfer.»
Lucrèce, De la nature

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