samedi 6 mai 2017

Avec conviction

L'âne Balthazard, famélique, presque métaphorique, mais bien réel, ne mâche pas ses mots. Il raconte... ou récite, il ne sait pas très bien lui-même et s'en fiche.
– Que de voix jusqu'ici se sont perdues dont le moindre des échos amplifie à l'infini les âpres harmonies...




En sa source, Balthazard épouse le moindre des mouvements d'une pensée, jusqu'aux plus petits tressaillements en qui il reconnait la vie...
C'est sa haute voix qu'il entend dans un des échos portés par le vent.
– Pendant ce temps, à marée et à voix haute.. ou basse... au-delà de l'amour, de la haine, de la jalousie... ou peut-être juste l'inverse... chacun, persuadé de sa propre valeur, se fait du monde un vaste pré carré, long de préférence, utilisant pour cela, en parfaite et bien inutile opportunité, tout ce qu'il rencontre sur son chemin: ordre et opportunité, bulldozer et brosse à dent, bottes et pompes bien cirées... Alors le vide béant du zénith au nadir sur le tertre de terre fraîchement remuée, antre de la mort, se remplit de naïves lamentations, bientôt couvertes de béates et tout aussi naïves admirations devant le maigre rameau, par ailleurs sans racine, et lui-même faiblement incliné devant la voûte artificiellement étoilée...
Tous ses sens en arrêt, il tend fermement l'oreille jusqu'à ce quelques échos lui fasse entendre ce qu'il a dit. Rassasié de son entendement il s’exclame:

– Que de belles actions, de bons mots, de si belles voix et si beaux costumes pour bouffons et autres imposteurs!




Est-ce un effet ou un défaut de perspective seulement? Ce qui se perçoit dans les échos ne peut se situer dans le temps. Les destins des uns et des autres semblent ne plus pouvoir dévier de celui de Platon. Mis à l'épreuve du récit et de ses pulsions, prudent et presque trop poli, il converse de fort loin avec l'âne Balthazard dont nul ne sait, tout comme pour Daemon, qui il est ni d'où il vient.

– Voyez-vous, cher Balthazard, que vous soyez d'accord ou en désaccord avec ces idées, l'important est que nous ne fassions aucune propagande. Il ne nous est pas nécessaire de vous amener à penser dans une direction particulière... ni ne cherchons à vous convaincre de quoi que ce soit. Tout ce dont l'esprit humain est capable se présente sous la forme changeante des comportements et ce sont ceux-ci qui nous importent. Tous nos talents et toutes nos ressources ne sont point là pour un autre objectif que rendre possible un dialogue... Si nous prescrivons quelques limites c'est pour mieux les franchir une fois qu'un minimum de règles auront été établies...
– Quand cela aura-t'il lieu?
– Quand les pièges naturels, les écueils et l'organisation consensuelle du marché mondial, falsifié et garanti spectaculairement auront été identifiés et que nous aurons la sagesse d’essayer de les éviter. Mais...
– Oui...
– L'observation et la réflexion ne sont pas la pratique... le moindre geste, le plus petit éclat de voix peut compter... On pourrait être tenté...
– Voilà que vous introduisez la politique... Vous m'étonnez...
– Le temps est propice à cela. Regardez comment le soleil se couche et écoutez comment sur l'horizon de sombres nuées se mettent à danser...

– Vous avez raison. Ne perdons pas notre voix en vain. Je sens quelques gouttes. Il pleut...

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