dimanche 7 mai 2017

Presque invisible



Sur le socle du monument, presque invisible, était gravé:

«[...] et si vous voulez mieux connaître l'amour que je vous porte, assurez-vous qu'autant vous avez en vous, autant vous méritez, autant je vous aime, et pas davantage.»*




Comme le dit Sophie de Mijolla-Mellor, “on ne se sort pas de l’arrogance parce que, au niveau des individus, elle répond à une carence narcissique profonde, sauf peut-être des accidents de la vie qui vont amener les gens à se remoduler totalement, on peut aussi le penser, mais si rien de tel ne se passe la personne va rester stable sur ces convictions et parfois même, à nouveau sur le plan individuel elle risque de s’accroitre avec le vieillissement, se durcir en quelque sorte. Puisque l’arrogance est surtout faite de certitude.


Pendant ce temps, pas très loin d'ici, le nouveau roi, presque élu, se prépare et peine à cacher sa joie. Sur sa colonne depuis longtemps érigée, l'homme contemporain se voit déjà contemplant de très haut ce... Il se répète inlassablement ce à quoi il croit et avec lequel il s'identifie pleinement:

– Je suis ce présent, cet aphorisme grandiose que depuis si longtemps vous attendiez... que Nous attendions. Reconnaissez-moi... reconnaissez-vous!

Au cœur de la postmodernité, fort d'une acuité et d’une pertinence particulières, quoique autoproclamées, par opposition à ce qui est banal ou, pire, dépassé, notre homme s'attribue un pluriel de majesté qui va prendre bonne place dans son discours.

– Je vous invite à laisser flotter votre pensée au fil du long récit que je vais vous faire. Tout au long de ces années qui vont suivre faites-moi confiance. N'essayer pas de comprendre. Laissez vous entraîner. Et juste pour entrer en résonance avec moi, vous pouvez — si vous le souhaitez — fermer les yeux, vous détendre et juste écouter.
Juste était devenu le mot clé avec lequel il aimait à se présenter et dont il devinait secrètement qu'il était la serrure.

 

* Le Roi Lear, Shakespeare 






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