mardi 3 septembre 2019

(3) Le trébuchant


«  Les histoires ne commencent jamais là où elles semblent avoir commencé. Elles ont des origines obscures et un jour on se trouve jeté en plein milieu d’une histoire.»
Jorge Semprun, La deuxième mort de Ramón Mercader, Gallimard


Pour quelle raison cette immobilité subite? Cette sorte de silence imposé? Cette sorte de ralentissement, permettant d’observer une sorte de suspension du temps, annonce ou révèle un certain déséquilibre dans le mouvement et fait craindre la chute, même incertaine, qui pourrait suivre. Est-ce un effet  bien réel ou le pur produit de l’imagination? Comme il peut être surprenant de sentir son propre corps agir à l'image de celui que l’on observe, et de constater combien son déséquilibre, pourtant parfaitement étranger et même lointain, agit à distance sur le nôtre sans même que les deux personnes ne ne se connaissent ou que le moindre regard ne soit échangé. Un réel en suspens pendant lequel, à l’affût, la mort, en un mouvement similaire, allonge le pas et ouvre déjà grandement les bras. Les bras du trébuchant, en un mouvement bizarre, suivant la brusque sollicitation des muscles montant des pieds à la tête, comme une vague scélérate, s’ouvrent  aussi, repoussant en souriant sans le savoir, la mort en son invisible royaume. Un léger frisson est passé et la mélodie, comme après le refrain, a repris.

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