« Comme je l'avais annoncé sans grand mérite, et comme nous l'avons constamment vérifié sans grand effort, il n’existe pas de transposition innocente, je veux dire: qui ne modifie d'une manière ou d'une autre la signification de son hypotexte. Reste que, pour la traduction, la versification et la plupart des transpositions «formelles» que nous venons d'évoquer, ces modifications sémantiques sont généralement involontaires et subies, de l'ordre de l'effet pervers plutôt que de la visée intentionnelle. Un traducteur, un versificateur, l'auteur d'un résumé ne se propose que de dire «la même chose» que son hypotexte dans une autre langue, en vers, ou en plus bref: ce sont donc là des transpositions en principe purement formelles. Dans les diverses formes d'augmentation en revanche, ou dans la transfocalisation, la visée elle-même apparaît plus complexe, ou plus ambitieuse, puisque nul ne peut se flatter d'allonger un texte sans y ajouter du texte, et donc du sens, ni de raconter «la même histoire» selon un autre point de vue sans en modifier, pour le moins, la résonance psychologique. De telles pratiques relèvent donc au moins partiellement de la transposition au sens le plus fort, ou transposition ouvertement) thématique, que nous allons maintenant considérer pour elle-même, dans des opérations dont elle constituera la visée essentielle et l'effet dominant.»
– J’espère que nous ne sommes point comme ces souris auxquelles on installe des électrodes et qui doivent trouver leur chemin dans un labyrinthe.
Gérard Genette, Palimpsestes, Points
– J’espère que nous ne sommes point comme ces souris auxquelles on installe des électrodes et qui doivent trouver leur chemin dans un labyrinthe.
– Sauf si…
– Dites-moi…
– Sauf si ce labyrinthe était le cerveau même de notre maître.
– Si c’était le cas, qu’aurions-nous à gagner en sortant du cerveau de notre maître?
– En soi et hors de soi, telle est la situation de notre maître…
– Et telle est la nôtre!
– Vous oubliez que lui et nous sommes différents!
– C’est là qu’il se pourrait que vous vous trompiez quelque peu.
– Quelque peu ne veut rien dire! Soit c’est faux, soit c’est vrai!
– C’est une conception très étroite de la vérité et justement c’est contre cette étroitesse que lutte notre maître…
– C’est ce que vous supposez…
– Non, il lui est arrivé à de nombreuses reprises de me le répéter, en prenant bien soin, sans le modifier totalement, sans rien ajouter, d’introduire de légères variations, différents points de vue, à chaque fois…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire