samedi 12 octobre 2024


« Un bon lecteur n'est pas celui qui anticipe le destin des protagonistes, mais celui qui le partage.»

Ercan Y Yilmaz

 

 
Bien avant la tombée de la nuit j’arrivais à peine à distinguer le bord du chemin. Me vinrent à la mémoire les yeux des ânes de l'attelage. Eux  aussi ne voyaient presque rien, ils avaient les yeux masqués par les œillères noires... Et pourtant je pouvais les sentir, sans les voir, c'est sur leurs traces que je marche...
J’avais retrouvé… en fait il serait plus exact de dire que j’étais tombé sur un de leurs cadavres…
Ayant fait l’effort de surmonter mon effroi, délicatement, bien qu’avec dégoût, je séparais la peau des os du crâne. Elle semblait ne pas avoir souffert. En séchant, elle prit du volume et se mit à briller. Je la caressais. Elle était d’une douceur extrême. Je ne pus m’empêcher de la soulever. J’ajustais ses oreilles et remodelais son visage. En un rien de temps, j’avais entre les mains une vraie tête d’âne. Elle semblait si vivante. Seul lui manquait le regard. Je ne sais d’où provenait ce que j’entendis alors:
– Met la sur ta tête !
Je tremblais un peu. J’avais peur. peur de quoi, je ne le savais point. Peut-être de l’odeur, mais surtout j’avais peur de me perdre dans l’ombre inquiétante d’une dépouille. Après tout, je tenais entre mes mains un morceau de cadavre…
Je me trompais. Le masque ne sentait rien. Un long séjour dans les eaux pures du torrent l’avait complètement nettoyé et le soleil brûlant l’avait tanné. C’était miracle que le poil, une fois séché et décollé par le vent fut encore si soyeux. Et quand j’y entrais je sentis immédiatement une présence me pénétrer moi sans que je puisse savoir de quoi il retournait… si ce n’est qu’elle était hostile et étrangère…

 

 

 

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