mardi 18 mars 2025

 " Entre nous, il y avait, comme je l'ai déjà dit quelque part, le lien de la mer. Outre qu'il maintenait nos cœurs ensemble pendant les longues périodes de séparation, il avait pour effet de nous rendre réciproquement tolérants des histoires racontées et même des convictions exprimées." 


Au cœur des ténèbres, Joseph Conrad

 


 
Walid, avec une feinte désinvolture.  
Vous voulez me sonder comme un cas pathologique?  
Serais-je un patient en mal d'être logique?  

Lucien, esquissant un sourire.  
Ne voyez pas en moi un bourreau de l’esprit,  
J’écoute, j’observe… et je suis ce qui suit.  
Et si, comme vous dites, tout cela est un jeu,  
Peut-être y jouez-vous plus encore que ceux  
Dont vous tournez les pages avec tant de fièvre,  
Cherchante en leurs délires de quoi rompre vos rêves.  

Walid, plus grave.  
Ainsi donc, vous pensez que je ne suis qu’un reflet,  
Un autre pantin pris dans un grand ballet?  
Que cette île me parle et que, sans le savoir,  
Je ne fais que danser sous son vaste pouvoir?  

Lucien, haussant un sourcil.  
Je ne vous affirmerai ni le vrai ni le faux,  
Mais je vois dans vos yeux ce frisson, ce sursaut.  
L’île vous travaille autant que moi-même,  
Et si nous poursuivons, que reste-t-il de nos thèmes?  
Sommes-nous spectateurs ? Sommes-nous impliqués ?  
Ou bien prisonniers de ce texte inachevé ?  

Walid, regardant l’horizon, songeur.  
Vous le sentez aussi… ce vent, ce murmure…  
Il trouble nos pensées, il forge une rature  
Dans tout ce que nous étions avant d’accoster.  

Lucien, baissant la voix.  
Et si ce n’était pas eux, les objets de l’étude,  
Mais nous, à présent, dans cette incertitude?  

Un silence s’installe. Au loin, le volcan gronde doucement. Les îles semblent frémir.





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