mardi 6 janvier 2015

Le goût du secret et de la farce qui l'habite

"Si impersonnelle qu'elle soit, la philosophie n'en est pas moins, par le simple fait qu'elle est écrite un mode littéraire parmi les autres qui permet d'avancer masqué comme dirait Descartes et qui respecte complètement la pudeur, la timidité des êtres qui n'aiment pas s'offrir aux regards et qui n'aiment pas se dévoiler. Ainsi la philosophie est un mode littéraire qui respecte le goût du secret et permet de faire passer sans dommages tout ce que l'on veut."

Clément Rosset

– Bienvenue cher Auguste, la bonne humeur vous sied à merveille. Puis-je me permettre de vous demander quelle en est la cause.
– Cher Justin, il serait temps, sincèrement, que vous preniez en comte le fait qu'il n'existe pas une seule cause...
– Cependant...
– Ne m'interrompez pas, je vous prie...
– Ah! Je vois bien que votre expression a très légèrement changé... Êtes-vous fâché?
– Je crois bien qu'un léger instant cela m'a tenté. De force, la forme de votre esprit agit sur le mien et, pardonnez ma franchise, le corrompt.
– Vous exagérez!
– Patience, je ne voulais guère plus que vous faire constater à quel point notre humeur est susceptible.
– C'est réussi...
–Malheureusement oui. Mais vous êtes-vous déjà demandé si nous pourrions, au prix d'un effort conscient, remédier à cela?
– Tout le monde y pense et finit par rejeter la faute sur les autres...
– Vous avez raison, c'est pour cela que le processus ne marche pas. Écoutez ce que m'a dit un jour mon maître à ce sujet.
"Un bon départ, c'est un départ où tout part en même temps." Un départ où le corps et l'esprit des uns comme des autres s'élanceraient dans un même mouvement. Le départ est ce que l'on ne peut pas améliorer. Il reste dans le passé et conditionne longtemps après le mouvement qu'il a initié.
– ... mais alors si tout est joué...
– Tout n'est pas joué au départ, soyez patient... Tout peut en tous lieux et en tout temps être amélioré...
– ... mais pas le départ... c'est vous qui l'avez dit.
– Je vais essayer d'affiner mon propos. Si, par hasard, vous arrivez un beau matin, avec l'air d'un bienheureux, on pourrait penser que vous avez pris un bon départ.
– Jusque là je vous suis, d'autant plus que cet exemple est à peu près le début de notre discussion. Vous ne pensiez quand même pas que, malgré ma cervelle d'oiseau, je l'aurais oublié!
– Loin de moi cette idée. Mais ne m'interrompez plus sinon nous allons reprendre encore et encore ce départ... or justement c'est de cela qu'il va être question... Un bon départ, me disait aussi mon maître est un départ qui se renouvelle en permanence... Dans ce cas le départ serait une énergie qui se déploie dans le but d'éviter l'immobilisme.
– Cependant il me semble que vous omettez une chose importante. Avant de nous occuper de votre changement d'état, si minime soit-il, dites nous pourquoi vous étiez de bonne humeur. Était-ce là le résultat d'une décision que vous auriez prise ou la conséquence d'un ensemble de faits que vous ne pouviez contrôler? Auquel cas il ne saurait être question de votre départ...


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