samedi 10 janvier 2015

Grâce à des milliers d'ailes minuscules et invisibles


"C'est dire que cette œuvre,
grâce à des milliers d'ailes minuscules et invisibles,
se tient au-dessus d'un abîme sans fond."

Walter Benjamin, Œuvres II

– Connaissez-vous l'effet vivifiant et purifiant de l'éloignement mon cher maître?
– N'est-ce pas là ce qui se nomme une fuite?
– C'est plus que cela. Imaginez, comme l'écrit Walter Benjamin à propos de l'écrivain Johann Peter Hebel, imaginez que quelque événement dramatique se soit produit il y a de cela quelques jours. Vous l'apprenez par un de ces canaux que les hommes appellent communication. Vous êtes choqué et ressentez dans le présent ce qui a eu lieu dans le passé, certes récent, mais dans le passé tout de même! Et plus que cela! Cette chose si extraordinaire et révoltante n'a pas eu lieu ici, mais là-bas au loin. Cependant vous la ressentez, comme si la chose, en vous intégrant dans la scène par sombre magie, avait à nouveau lieu en votre présence. Vous ne connaissez pas les lieux où la catastrophe s'est produite, mais vous l'imaginez à partir d'éléments qui viennent jusqu'à vous. Vous pensez que vous vous êtes déplacés jusque sur les lieux d'origine avec tout ce qui vous est cher, mais en réalité c'est tout ce qui s'est produit, ou presque, qui vient ici. Chez vous. Dans votre tanière ou dans votre salon.

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