samedi 10 janvier 2015

"En permanence" un labyrinthe


– Je le sais, mon maître est dans un ailleurs, très loin de là...
et des jugements du monde...
– Comment le savez-vous?
– Je l'entend. 
– Que fait-il?
– Il parle à son chien.
– Il a un chien?
– Apparemment oui.
– Comment est-il?


– Cher chien couleur de nuit qui de très près me suit, écoute ce qui flotte dans l'air du temps! Crois-tu qu’il soit dur d’être flingué par des cons?
– Peut-être que c’est moins dur que d’être flingué par des êtres intelligents... mon maître bien aimé qui daigne me parler...
– C'est ce qui est arrivé là-bas... 

– Où vous étiez?
– ... As-tu déjà entendu parler d’un labyrinthe?
– Comme vous le savez tous, je n'ai pas accès à la parole et je ne suis qu’un misérable quadripète qui ne peut communiquer sur ces sujets que vous semblez si bien aimer... aussi.
– Quadrupède, mon ami... Eh bien ... avoir l'attitude juste est bien difficile, il faut que tu persistes à l'image de ton maître bien aimé que tu vénères et que tu adores....

"Il faut du courage et de la nuance en temps voulu... et parfois pas du tout!"
Comme tu vas le voir, et surtout l'entendre, un monde étrange et peu connu s'étend sous nos pieds.
En ce qui concerne notre éducation, j'ai pris, pour faire enfin "le tour des cécités, d'autres inscriptions à d'autres facultés", fais donc ainsi et il se pourrait qu'un jour, toi aussi tu puisses faire la différence entre liberté et aliénation.

Et pour commencer, prenons comme étude le labyrinthe. Dresse par toi-même ton oreille au passage de ce que je te dis. Le labyrinthe est un archétype non univoque, qui, comme le dit Gaston Bachelard est d’abord une série polysémique d’images résumant l’expérience ancestrale de l’homme devant une situation typique, c’est-à-dire dans des circonstances qui ne sont pas particulières à un individu mais qui peuvent s’imposer à tout homme”... et peut-être , pourquoi pas, à un quadrupède qui ne demanderait, dans la mesure de ses moyens, qu’à évoluer. Pour aujourd’hui j’ai choisi de te parler de l’une de ses formes les moins connues et des plus usitées. Paradoxe. Chacun d’entre nous le visite en ce moment même et il se peut que personne n’en soit conscient. Il ne s’agit pas dans ce cas de cercle de croix ou de spirale. Les entrées et les sorties y sont multiples et les occasions de s’y perdre fort nombreuses. Cette forme a la particularité de nous accompagner dès notre naissance et jusqu’à notre mort. 
Elle a aussi cette autre particularité de "fonctionner" en permanence sans qu’il soit nécessaire d’en être conscient. Nous sommes dans notre labyrinthe, nous y habitons. Il nous protège mais nous acceptons, la plupart du temps, de le laisser fonctionner à sa guise. Ce qui est extraordinaire, quand le labyrinthe est considéré sous cet angle-là, c'est que automatiquement il se révèle dans sa plus grande complexité. Je veux dire par là qu'il est impossible de le considérer dans son entier ni comme une chose simple et pourtant c’est la seule chose que nous puissions connaître vraiment. Sitôt que la moindre des interrogations est formulée, le symbolisme se met en marche. 
L’objet de notre étude ne peut être touché du doigt, il est le doigt.
Aussi limitée ou, au contraire, aussi démesurée que soit la pensée le labyrinthe fonctionne sans qu'il soit nécessaire d'y entrer car nous y sommes "en permanence". 


– Pourtant je ne le vois pas!

– Ne t'offusque pas, fidèle compagnon, mais c'est que ta conscience naissante ne t'a pas encore permis de transgresser...
– De transgresser quoi ? Un secret ?
Tu l'as compris, je te parle de corps, du secret de notre corps. Si chacun de nous est un être différent, notre corps est semblable, il fonctionne de la même manière. Je n'ai que peu de temps, chien couleur de nuit, si peu de temps, je dois  condenser...  ainsi le sang, véritable fil d'Ariane, le fil rouge nous conduit sans une hésitation dans tous les coins et les recoins de notre corps. Il ne le fait pas pour démontrer mais il travaille. Il est le porteur et le passeur de nos énergies. Le labyrinthe n’est pas un dédale. On ne s’y perd pas même s’il nous arrive d’être désorienté et de ne pas savoir ce qui s’y passe... Le sang nous guide pour une quête qui se superpose au travail du corps. Nous sommes alors dans un espace différent dans lequel notre esprit va chercher à comprendre ce dans quoi il est déjà compris. Combien d'entre nous ont-ils déjà visité ces terres intérieures. Je ne parle pas de livres dans lesquels ils auraient appris, mais de sensations d'eux-mêmes par eux-mêmes. 


Pour qu'il y ait dialogue, cher chien couleur de nuit, il faut obligatoirement être deux.
– Comme nous deux?
– Un peu. C'est comme si tu faisais partie de moi-même.
– Mais, je ne suis quand même pas toi...
– L'homme se parlant à lui-même crée un autre qui est lui. Né de lui-même avec la même liberté qu'un nouveau-né de chair et de sang. Pour cela il doit sortir de lui-même: l'exil de soi. Cette sortie sera une sorte d'accouchement, de rencontre et de mort. L'être humain, hors de lui-même, privé de son animalité prend conscience.
– Merci pour moi!
– Il est entré dans le vaste monde auquel il participe sous une nouvelle forme.
Rien ne t'empêche de faire pareil. Mais, me diras-tu, de quelle sorte de conception est né ce nouvel être?

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