dimanche 4 novembre 2018

(4) Le gardien

« Le gardien se voit obligé de se pencher très bas sur lui, car la différence de leurs tailles s’est extrêmement modifiée.

«Que veux-tu donc encore savoir? demande-t-il, tu es insatiable.

– Si tout le monde cherche à connaître la Loi, dit l’homme, comment se fait-il que depuis si longtemps personne d’autre que moi ne t’ait demandé d’entrer?»

Le gardien voit que l’homme est sur sa fin et, pour atteindre son tympan mort, il lui rugit à l’oreille: «Personne d’autre que toi n’avait le droit d’entrer ici, car cette entrée n’était faite que pour toi, maintenant je pars, et je ferme la porte. » 

Kafka, Le Procès (traduction par Alexandre Vialatte) in Œuvres complètes (Gallimard, 1946) p. 454 et 455.



Trois cents-trentième rapport de Don Carotte
Extrait du premier et grand Cahier d'Esquisses et de Résistance à l'Ordre

Cher et rugissant Sieur Guisbert

Un tel parti pris ne peut être sans conséquence me disiez-vous... en rugissant. Longtemps je me suis demandé si je ne devais point répondre à cette missive que vous avez eu la délicatesse d'envoyer  aux membres éminents de notre Noble et Honorable Embarcation sans m'en faire part. Le silence auquel vous avez eu la prétention de me faire croire eut probablement, pour vous comme pour moi, mieux convenu. J'en conviens. Il me reste un long voyage jusqu'à atteindre cet idéal de détachement. J'en conviens aussi. Mais il m'est probablement nécessaire de réfléchir et de faire face point par point avant d'oublier et de passer à autre chose. C'est pourquoi, dans ce cahier d'esquisse, que vous ne verrez point, je trace et cerne pour moi-même ce qui eut dû vous traverser l'esprit. Je ne dis point que vous eussiez dû le penser, juste une petite traversée avant que de rentrer à bon port...  

« D'abord par la "faute" de  Don Carotte, personne d'autre que lui, d'abord,  évidemment,  qui a ouvert le débat de manière extrêmement agressive; sous couvert d'une voix douce et de paraphrases et métaphore, il a agressé plusieurs membres de Notre Honorable Embarcation... c'est insupportable!»

Je ne m'alignerai point sur la banalité d'une telle conclusion et la finesse de style qui vous caractérise, mais vous exprimerai plutôt des regrets. Des regrets, sans plus d'importances que les vôtres, concernant la fécondité sans limite de votre faconde et imagination victimaire. Personne, avant moi n'a jamais osé vous parler en face. Aujourd'hui, j'en connais les raisons. Cette violence que vous me prêtez, il se peut que l'aie, moi aussi, mais ce jour-là, j'en suis certain, c'était la vôtre. Elle vous faisait trembler et vous aveuglait... comme tremblaient les gardiens qui vous connaissaient et avaient peur de vous voir tomber dans l'abîme... me suppliant du regard puis de la voix de vous ménager... ce que j'ai fait...

« Le hasard du calendrier fait que en grande partie, je ne serai pas disponible avant longtemps(.)»

... évoque plus une fuite que de réels engagements... Vous fuyiez et vous voilà revenu, aujourd'hui... juste à l'instant où je suis parti...

Vous conviendrez de l’étonnement que l'on peut avoir envers qui professe à qui veut l'entendre que: 

« La vertu première d'un membre de l'équipage est sa présence à bord.»

Sous-entendue présence totale "hors du temps" et "en présence intérieure et fraternelle". Pour conclure ne croyez pas que je me pose, à votre image, "en victime". Loin de là, plus loin que la formule, je me sens libéré... et vous souhaite "bon vent"...



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