vendredi 21 décembre 2018

(21) Voyeurs passifs


« Qui dit théâtre dit spectateur et c’est là un mal, ont ils dit. Tel est le cercle du théâtre tel que nous le connaissons, tel que notre société l’a modelé à son image. Il nous faut donc un autre théâtre, un théâtre sans spectateurs: non pas un théâtre devant des sièges vides, mais un théâtre où la relation optique passive importante impliquée par le mot même soit soumise à une autre relation, celle qu’implique un autre mot, le mot désignant ce qui est produit sur la scène, le drame. Drame veut dire action. Le théâtre est le lieu où une action est conduite à son accomplissement par des corps en mouvement face à des corps vivants à mobiliser. Ces derniers peuvent avoir renoncé à leur pouvoir. Mais ce pouvoir est repris, réactivé dans la performance des premiers, dans l’intelligence qui construit cette performance, dans l’énergie qu’elle produit. C’est sur ce pouvoir actif qu’il faut construire un théâtre nouveau, ou plutôt un théâtre rendu à sa vertu originelle, à son essence véritable dont les spectacles qui empruntent ce nom n’offrent qu’une version dégénérée. Il faut un théâtre sans spectateurs, où les assistants apprennent au lieu d’être séduits par des images, où ils deviennent des participants actifs au lieu d’être des voyeurs passifs.»

Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, La fabrique éditions



Quatre-cents-soixante-neuvième rapport de Don Carotte
Extrait du Grand Cahier Noir
 

Les souvenirs confus de l'enfant Lune ne se présentent comme tels que parce que nous ne sommes point capables de leur assigner une continuité que nous espérons mais qui, de fait, n'existe pas plus que notre propre continuité qui est, comme chacun devrait le savoir, parfaitement imaginaire...

–  Sachez, en toute Humilité devant nous vous agenouiller. Où alliez-vous chercher ce qui chez nous s'est abrité. Comment allez-vous faire ce voyage dans le temps?


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