Ce qui se donne

 

«… Le "On" se mêle de tout, mais en réussissant toujours à se dérober si l'être-là est acculé à quelque décision. Cependant, comme il suggère en toute occasion le jugement à énoncer et la décision à prendre, il retire à l'être-là toute responsabilité concrète. Le "0n" ne court aucun risque à permettre qu'en toute circonstance on ait recours à lui. Il peut aisément porter n'importe quelle responsabilité, puisque à travers lui personne jamais ne peut être interpellé. On peut toujours dire: on l'a voulu, mais on dira aussi bien que "personne" n'a rien voulu.»

Heidegger, L'être et le temps

Cinq-cents-quinzème rapport de Don Carotte
Extrait du petit cahier Vert

L'homme marche et puis s'arrête, captif, souvent, il sait. Dans sa tête, vanité du savoir, les mots affluent et refluent au rythme de sa marche et de ses haltes. Il dialogue à haute voix...
– On ne dit pas... ou... on ne peut dire la vérité... 
– Attendez un peu, pour cela… pour la dire ou… ne pas la dire il faudrait qu’elle existe et...
– Et?
– Et surtout la connaître... pour pouvoir la dire... et puis il faudrait connaître aussi qui est ce «on» qui connaîtrait la vérité et qui pourrait ou saurait la dire...
– Vous me disiez hier, et tout-à-l’heure encore, que nous vivions à l’intérieur des images qui elles se donnent à voir...
– Certes… elles se donnent mais en silence… Elles ne disent rien…

– Vous disiez pourtant que les images ne seraient rien sans les mots qui la disent.

– C’est pourquoi elles ne disent rien… 

– Que font-elles?

– Elles écoutent ceux qui les regardent…