jeudi 7 septembre 2017

Croire et voir


 "Il ouvrit les yeux et leva la tête. Le voile noir de la nuit s'étendait à deux ou trois pieds au-dessus de la lueur des braises. Dans cette lueur voltigeaient de légers flocons de neige."
 *  Tolstoï, La Guerre et la Paix, livre I, 2ème partie  


Ce que voit Platon l'Ancien à son réveil, il ne peut ni y croire ni refuser de le prendre en considération.

– Peu importe ce que l'on dit de ce que je dis, vois ou montre... Que cela n'ait presque aucun intérêt pour le commun des mortels, dont, par ailleurs, je fais aussi partie, me paraît normal... et c'est cela qui m'attriste... quelquefois.

Il ferme les yeux et baisse la tête. Le voile blanc du matin s'étend jusqu'au lointain.

– Comment peuvent-ils, ces pauvres et tristes prisonniers des mots, tyrans abrutis être aussi incapable d'imaginer ce qu'ils ne peuvent manifestement pas comprendre? Ils regardant le vide qui est sous leurs yeux... qu'ils ne savent manifestement pas voir... et condamne sans appel l'enfant qui ne peut s'adapter... mais qui pourtant sait, à sa manière, brillante parfois, résister... malgré le prix qu'il devra immanquablement payer. Amer, dites-vous..? Qui peut savoir?



« [Les ennemis inconscients de l’enfance qui militent dans les établissements d’éducation] pullulent autour des enfants en danger « moral », délinquants ou inadaptés. Partisans sournois d’un ordre social pourri et qui s’écoule et qui s’écroule de partout, ils s’affairent autour des victimes les plus flagrantes des éboulements : les enfants misérables. Importuns et tenaces, ils se rassemblent comme des mouches et leur activité bourdonnante et bienfaitrice camoufle un simple besoin de pondre dans cette viande à peine vivante leurs propres désirs d’obéissance servile, de conformisme avachi et de moralisme de pacotille.
Ils emploient volontiers un terme magnifique, somptueux de bêtises, perle qui se grossit des sécrétions de mille comités accrochés à la table des administratives réunions comme des huîtres sur leur rocher : le redressement moral. Comme si les enfants avaient quelque part un morceau d’on ne sait quoi, bien droit chez les uns, tordu chez les autres et qu’on façonnerait en forme d’échine courbée à petits coups d’exemples, à petits coups de trois petit-beurre les jours de visite ou de grandes fêtes.
Tous ces administratifs petits pontes cachent la mollesse de leur caractère dans leur situation sociale comme le bernard-l’hermite protège son ventre dans une coquille empruntée. Eux qui sont des insuffisants sociaux docilement résignés à un emploi monotone notoirement inefficace, que peuvent-ils comprendre à des enfants qui ont l’invraisemblable audace de manifester des troubles du comportement ?»*


*Fernand Deligny, « Le bien, le mal et leurs champions »
 in Les vagabonds efficaces (1947), pp.163-164.


 

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