mercredi 6 septembre 2017

Prospective et imposture


"La plupart des discussions humaines, peut-on spéculer, exigent de nous un choix non pas entre des arguments qui procèdent d'observations empiriques sur le monde mais entre des séries antagonistes de pures suppositions."

À la lumière de ce que nous savons, Zia Haider Rahman, p. 173




– Cher Justin, savez-vous ce qu'est la prospective?
– Cela serait-il ce phénomène dans lequel nous envisageons l'avenir et l'appelons de nos vœux? En d'autres termes: elle serait vision prophétique du monde!
C'est cela, à un détail près, elle n'est "ni prophétie ni prévision" comment est-ce possible?
– La prophétie étant du domaine exclusif de Dieu, elle ne peut être l’œuvre de l'homme... qui ne peut que se mouvoir en surfant plus ou moins bien sur les vagues mouvements de surface animés par le l'insondable chaos des profondeurs. Le futur n'est pas chose faite qu'il serait possible de dévoiler.
– Croyez-moi, ce genre de pensée est vieille comme le monde...
– Vous avez raison ce genre de formule-cliché ne veut rien dire et ce que vous citez n'est-il pas l'exacte réalisation de pures suppositions, celles de l'auteur de nos dialogues, je vous le rappelle, et celles qui figurent dans l'incipit de cet article qui sont peut-être à l'origine de ces paroles...
– Il me semble que vous êtes difficile à suivre et ce n'est plus là ni pure supposition ni cliché, je puis vous l'assurer.
– Imaginez-vous que vous êtes placé devant un écran sur lequel va défiler une quantité de notions, de faits, de connaissances en grande quantité, mais sans qu'aucune de ces choses ne vous apparaissent comme spéciale. Rien qui ne soit à même de susciter une interrogation. Un tout parfaitement cohérent.
– Ne le prenez pas mal, mais ce serait bien reposant.
– À votre tour, ne le prenez point mal non plus, mais il se pourrait que ce repos se révèle ennuyant...
– Laissons cela. Vous ne seriez pas en train de me dire que disserter sur la question du déterminisme et de la liberté serait une perte de temps?

On le sent plus qu'on ne l'entend, mais Justin Perroquet, peu à peu, à l'image d'Auguste qui maintenant se fait appeler Platon, Platon Perroquet pour être précis et  maintenir une certaine cohésion au récit, reprend ses esprits... enfin... son esprit... Justin que le silence de son camarade met mal à l'aise essaie de changer de sujet:

– Cher Aug... Platon, je crois me souvenir, il y a de cela deux jours déjà, que vous me parliez d'imposture à propos de ces gens qui vous ressemblent... ou l'inverse...

Platon Perroquet, le regard lointain mais clair, sans état d'âme apparemment reprend avec netteté:
 
 – C'est cela, je vous parlais du syndrome de l'imposteur. 

Platon Perroquet refit silence un long moment puis reprit d'une traite d'un ton qui ne ménageait aucun espace de réponse, comme s'il craignait que Justin l’interrompit. 

– Voyez-vous les personnes dont nous parlions ont ce qu'aujourd'hui on appelle un "haut potentiel". Autrefois on les appelait "surdoué". À chaque période ses appellations mais le phénomène lui reste trainant à sa suite les clichés, les légendes et pour beaucoup d'entre eux les souffrances. Pendant longtemps on s'est imaginé qu'avoir certains "pouvoirs" était une grande chance, de celles qui vous font gagner le gros lot de la loterie... C'est bien loin d'être le cas pour tous. Il arrive assez souvent que ces individus finissent plus ou moins"en marge" de la société. Si quelques-uns vont tirer profit de cet état, d'autres, volontairement ou plus ou moins à leur insu, ont mis complètement de côté leur potentiel jusqu'à apparaitre comme des cancres, des déséquilibrés, des marginaux ou des "artistes". D'autre gardent cela pour eux et vivent discrètement une sorte de double vie qui est rarement heureuse, tant les difficultés psycho-affectives. L'une d'entre elle, parmi beaucoup d'autres, est ce syndrome de l'imposteur auquel je faisais allusion il y a deux jours. Voyez-vous, cher Justin, il se trouve que la plupart de ces hauts potentiels ne savent pas qui ils sont. Et quand ils l'apprennent, s'ils l'apprennent, ils mettent longtemps à l'accepter et, pour certains minimisent constamment ce qu'ils sont capable de faire. Pourquoi cela? Parce qu'ils ont peur de ne pas être cru. Tout simplement. Et, la plupart du temps, ils ont raison. Ils ne seront pas cru et passeront pour des imposteurs... tant que des preuve ne seront point présentée... qui soient conforme au cadre normal de vraisemblance... Cadre duquel, justement, ils débordent largement...




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