mardi 12 septembre 2017

Rougir...



Pendant que les capitaines de L'Abysse, celui qui fut, celui qui démissionne et celui qui ne sera pas, après avoir banqueté avec l'équipage, se réunissent pour panser leurs blessures d'amour-propre, au double motif qu'on leur aurait "manqué de respect" et "manqué de fraternité". Platon le Perroquet et son frère Justin essaie vaillamment de faire le point au sujet de leurs maîtres respectifs engagés à titre contradictoire dans ce mélo digne des boulevards le plus sordides ou même de la téléréalité la plus vulgaire.


– Vous ne me croirez pas, cher Justin...
– Pourquoi cela?
– Cela me semble incroyable...
– Quelle cette chose incroyable?
– "L'homme est le seul animal qui rougisse ; c'est d'ailleurs le seul animal qui ait à rougir de quelque chose."*
– Cela me laisse perplexe...
– Pourquoi donc?
– N'avez-vous point remarqué cette chose étrange qui nous est arrivée?
– De quelle chose voulez-vous parler? 
– Je vous parle du fait que depuis un certain temps une partie importante de notre plumage est, justement, devenue rouge...
– Pourquoi dites-vous "justement"?
– À cause de ce que je vous disais il y a un instant... à propos des hommes...
– À ce propos, comment se porte votre maître?
– Il se lamente et de temps en temps il... rougit...
– Est-ce dû à...
– Non, c'est de colère qu'il rougit. Une colère insurmontable qui vient du plus profond de lui-même, dont il a fait sa compagne secrète et dont il use pour se faire plaindre en l’exhibant comme un miroir.
– Se sent-il si seul, sans soutien?
– Oh que non... Il joue son rôle à la perfection. Je vous l'ai déjà dit l'opéra est sa seconde maison et le théâtre qu'il a mis sur pied, dont il est l'auteur, le directeur et le père fondateur, fonctionne à merveille. Lui seul sait à ce point manœuvrer de telle manière qu'elle suscite immanquablement des drames d'une ampleur telle que le moindre des face-à-face avec lui sera une ressource dramatique supplémentaire qui vient s'ajouter aux précédentes sur lesquelles s'est installée son aura... Quiconque oserait qu'il serait presque automatiquement éjecté...
– Comment cela?
– Oh le principe est très simple et bien connu...
– Mais encore...
– Il suffit de considérer le messager comme un "porte-malheur"...
– D'où tenez-vous tout cela?
Tout comme le "Le Tartuffe" cette histoire est un portrait de l'existence secrète des individus en prise avec avec leurs destins. Il faut admettre que d'un certain point de vue, pour les amateurs du style tarte-à-la-crème, c'est une œuvre grandiose... Ce n'est ni la première fois ni la dernière que cela se produit. Chaque spectateur sait à quoi s'en tenir, il sourit, compatit ou pleure, mais ne dit jamais rien... Je n'ai pas fini, vous allez comprendre...





* George Bernard Shaw





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