mercredi 7 février 2018

De délicieux frissons


« Le voyageur réfléchissait : il est toujours délicat d’intervenir sérieusement dans les affaires des étrangers. Il n’était citoyen ni de la colonie pénitentiaire, ni de l’État auquel elle appartenait. S’il voulait chercher à empêcher ou à contrarier l’exécution, on pouvait lui dire : « tu es un étranger, tais-toi ». À cela il n’aurait rien pu répondre, juste ajouter qu’il ne savait pas ce qui lui avait pris, car il voyageait dans le seul but d’observer et nullement pour modifier les codes des étrangers. Mais la situation était trop tentante.  Il était flagrant que la procédure était injuste et l’exécution inhumaine. Nul ne pouvait l’accuser de chercher à satisfaire un intérêt personnel puisque le condamné lui était inconnu ; ce n’était pas un compatriote ni même un être qui pouvait éveiller la compassion. Le voyageur avait été recommandé en haut lieu, il avait été reçu avec une grande courtoisie, et le fait qu’on l’ait invité à assister à cette exécution semblait même signaler qu’on attendait son avis à propos de la justice pratiquée en ces lieux. C’était d’autant plus vraisemblable que le commandant, comme il venait de l’entendre de manière on ne peut plus nette, n’était pas un partisan des méthodes répressives et qu’il se comportait presque de manière hostile à l’égard de l’officier. Le voyageur en était là de ses réflexions quand il entendit un cri de fureur. »

La colonie pénitentiaire, Kafka, 1919, traduction Alexandre Vialatte, Gallimard




Au fond de l'obscurité au-dessus de laquelle l'enfant se penchait, une chose étrange montait qui ressemblait à une voix. L'enfant, lui aussi, l'entendit. Au début ce n'était qu'un murmure indistinct. Et puis, lentement, c'était devenu comme un cri au ralenti... ou quelque chose d'approchant, qui lui procurait la même stupeur mêlée légèrement aux frissons délicieux que procure l’inattendu et ce qu’il promet.. 


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