samedi 17 février 2018

Quand même



« Se perdre, il le faut... »

Maurice Blanchot, L'arrêt de mort, Gallimard, 1977




– Se pourrait-il, en quelque sorte, que les mots forment le monde?

– C'est une drôle de formule, mais c'est vrai...

– Quand même...

– Quand même... vous avez dit "quand même"...

– Et alors?

– Alors, quand vous avez prononcé cette expression, "quand même", ce que vous avez dit n'avait presque aucun rapport avec les deux mots qui, mis ensemble, forment l'expression. Le mot "quand" a un rapport interrogatif avec le temps et le mot "même" a rapport avec la ressemblance ou la comparaison.

– Pourquoi tous ces détours alors même que vous avez compris ce que je voulais dire..?

– Parce que c'est précisément là que je veux arriver.

– Où voulez-vous arriver?

– Là où nous en sommes...

– Là où nous sommes, au milieu de rien du tout!

– Ne faites pas l'enfant. Là où les mots se séparent du sens qu'on leur attribue... si peu que soit cette séparation. Les mots contiennent plus que ce que l'on pense...

– Sauf votre respect: je ne sais pas où vous en êtes, je ne sais pas où nous sommes, je ne sais pas pas où vous allez. Je ne sais pas où vous voulez en venir. Je ne sais pas où vous m'emmenez... Expliquez, je vous prie.

– C'est ce que j'essaie de faire. 








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