mardi 7 mars 2017

Dogme et croyance

Qui sait ce qui se cache derrière les hautes et basses portes du réel. L'enfant ne sait pas, mais très vite il s'en doute: l’obéissance, tout comme son contraire, est une clé. Tout le jeu consiste à savoir quelles sortes de portes pourraient s'ouvrir avec ces clés.




Regardez comme l'oiseau passe en un seul mouvement du haut jusqu'en bas, avant que, pour peu que le geste soit accompli, ce même mouvement, sans un seul effort ne le fasse remonter encore plus haut.

– Y-a-t'il un au-delà du dogme et de la croyance?

– Nous pouvons être dubitatifs devant le foisonnement des croyances et des doctrine, des ordre, contre-ordres et organisations diverses, mais le contraire de tout cela n'est-il pas à son tour une sorte d'organisation dès le moment où il est observable comme tel? Si la moindre parcelle de véritable, je ne dis pas de vérité, était mise au jour et que l'on commence à croire à cela, comment éviter le piège du dogme, et surtout du pouvoir qui lui est lié ? Partout, sur notre île et sur toutes les autres qui sont habitées, s'organisent des êtres qui mettent en place, invariablement des règles, des codes qui leur permettent de vivre ensemble. Comme le dit Jean-François Billeter* :
"... mais ils le font en ordre dispersé. Certains agissent à une plus grande échelle pour remédier à autant que possible aux effets les plus destructeurs du système., mais ne le change pas, faute de le pouvoir ou de le vouloir. Quiconque est informé craint le pire cependant qu'un sentiment général d'impuissance favorise chez beaucoup l'inconséquence et le cynisme.
Pour sortir de cette confusion et de cette impuissance, deux choses sont nécessaires: nous entendre sur la cause de la crise où nous sommes, déterminer ce que nous voulons. Comme aucun retour en arrière n'est possible, ce sera nécessairement quelque chose de nouveau.
[...]
Ce sera par exemple l'abolition du salariat."

– ..? Vous ne seriez pas ... marxiste... par hasard..?
– Certainement pas comme vous l'entendez, et encore moins par hasard... Mais laissez-moi continuer ma citation...
– Avant cela , j'aimerais savoir et surtout comprendre le lien qu'il peut y avoir entre salariat et valeur morale. 
– À l'évidence, c'est une même et unique chose. Le salaire est une valeur que l'on attribue. Il dépend de l'appréciation de quelqu'un qui a un pouvoir, celui de décider de cette valeur, en fonction du travail réel ou en fonction d'autres critères dont il conserve soigneusement le secret.
– Je ne vois pas le lien qu'il y aurait avec la morale...
– Vous avez raison, il n'y en a pas, et ce n'est pas par hasard... je continue:

[...] 
Cette abolition est possible parce que les méthodes de production permettent désormais de produire en une fraction de temps disponible tout ce que nous avons besoin pour bien vivre. Son maintien nous contraint à produire au contraire une quantité énorme d'objets inutiles qui ne peuvent être vendus qu'au prix d'une publicité omniprésente, d'une concurrence féroce entre producteurs, d'une destruction de plus en plus rapide des objets produits, et donc d'un gaspillage généralisé.
[...] 
Tel est le moment de l'histoire."

– Vous parlez de notre histoire?
– Bien sûr que je parle de "notre" histoire... Que vous le vouliez ou non, nous en faisons partie...
– Vous voulez dire que nous lui appartenons?
– Non, ce n'est pas ce que je dis, mais laissons cela pour le moment, je n'ai pas fini de citer:

 [...] 
Le capitalisme a créé en très peu de temps les conditions de son propre dépassement, mais nous ne franchissons pas le pas parce que nous ne voyons pas la liberté dont nous pourrions faire la conquête. Cet empêchement est double: nous ne voyons pas que le salariat peut être aboli et , quand cette éventualité est évoquée, nous n'en voulons pas parce que nous ne savons pas ce que nous ferions de notre liberté."

– N'allez-vous pas un peu fort?
– Vous vous trompez de côté. Où, selon vous, se trouve la force?

[...] 
Est-ce à dire que notre servitude est volontaire? Non, elle résulte d'une tache aveugle. Il nous manque l'idée positive de la liberté que nous pourrions conquérir si nous le voulions. Nous allons à reculons, contre notre gré.
L'idée positive qui nous manque, le passé ne nous la fournit pas. Les réactions que le capitalisme a provoquées dès ses débuts, les luttes qui ont été menées contre lui ou contre ses effets l'ont été au mon d'une conception négative de la liberté: l'homme, supposé né libre, retrouverait sa liberté native en brisant ses chaînes ou la recouvrerait en réformant pas à pas un système injuste. Mais cette idée de la liberté ne suffit pas à déterminer ce qui doit venir après. Marx n'a laissé aucune indication sur la société qui devait naître selon lui de l'émancipation des travailleurs : leur libération devait engendrer d'elle-même une société meilleure. Cette lacune centrale de sa pensée a eu pour conséquence que ni le mouvement ouvrier, ni les révolutions qui se sont réclamées de lui n'ont aboli le système capitaliste. Ils n'ont finalement fait qu'en produire des variantes étatiques. Il ne pouvait en aller autrement. 

[...] 
Le problème reste entier aujourd'hui. Il est vain d'affirmer que l'homme est né libre ou que c'est sa vocation de devenir un homme libre tant que l'on ne s'entend pas sur une idée positive de la liberté."

– Et où voulez-vous en venir avec toutes ces longues citations?
– Patience, mon cher Damon. Je poursuis.



 

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