"Ô toi, qui que tu sois, parais! Sors de cette onde, ami trop cher! Pourquoi tromper ainsi mon empressement, et toujours me fuir? Ce n'est ni ma jeunesse ni ma figure qui peuvent te déplaire: les plus belles Nymphes m'ont aimé. Mais je ne sais quel espoir soutient encore en moi l'intérêt qui se peint sur ton visage ! Si je te tends les bras, tu me tends les tiens; tu ris si je ris; tu pleures si je pleure; tes signes répètent les miens; et si j'en puis juger par le mouvement de tes lèvres, tu réponds à mes discours par des accents qui ne frappent point mon oreille attentive. Mais où m'égarai-je? Je suis en toi, je le sens: mon image ne peut plus m'abuser; je brûle pour moi-même, et j'excite le feu qui me dévore. Que dois-je faire ? Faut-il prier, ou attendre qu'on m'implore? Mais qu'ai-je enfin à demander? Ne suis-je pas le bien que je demande? Ainsi pour trop posséder je ne possède rien. Que ne puis-je cesser d'être moi-même!"
Ovide, Les Métamorphoses, III
– Un mouvement qui part de lui-même, un mouvement qui parle de lui-même...
Nul ne peut savoir si vraiment l’enfant Lune a existé... ou, plus encore, ne sait s'il existe. L’apparence qui lui est donnée ne résulte pas de son choix. Il n'est point Narcisse. Il n'aime ni ne reconnait ce qui dans l'image lui sourit. Devant le miroir de la rivière personne ne saura jamais ce qu’il voit... Et si nul ne l'a jamais touché, il se peut que lui-même l'ait tenté... Que fait l'enfant Lune lorsque les yeux fermés, tel un aveugle, il touche du doigt le visage qu'il modèle. Ce qui de lui se montre et ainsi le rend visible. Un visage qui lui est inconnu, qui se projette dans une eau qu'il ne voit pas et dans laquelle son visage et sa main baignent. Toute image se décompose et se renouvelle selon les mouvements du temps...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire