vendredi 20 novembre 2015

20 novembre (100) "L'immatérielle moisson"

Épisode 100

"– Vois-tu Sancho ce nuage de poussière qui là-bas se lève?
Eh bien il est formé tout entier par une immense armée
composée de diverses et innombrable nations
qui s'en viennent par ici..."

Don Quichotte
Cervantès
 1605


 – Par Dieu, cher Justin, voudriez-vous bien avoir l'obligeance
de me tirer d’une erreur où j’étais resté
depuis le longtemps que je vous connais.
Je vous avais toujours tenu pour un perroquet, certes,
mais d’esprit sensé, et, pour une part certes,
sage dans toutes vos actions ;
mais je vois à présent que vous êtes aussi loin
de cet homme que la terre l’est du ciel.
Comment est-il possible que de semblables bagatelles,
et de si facile rencontre, aient la force d’interdire
et d’absorber un esprit aussi mûr que le vôtre,
aussi accoutumé à aborder et à vaincre
des difficultés bien autrement grandes ?
– Cher Auguste, je ne sais quel est la part de votre pensée dans ce discours.
Pour le moins, malgré mon érudition limitée, je sais...
pardonnez mon insilence...
que la plupart des mots que vous me débitez
ne sont point les vôtres...


Cher Joachim
Il faut d'emblée que je vous précise la chose suivante, j'ai remarqué certains indices de la présence de qui vous savez. Il ne fait aucun doute que mon départ est déjà derrière moi... ce qui fait qu'il se pourrait que je manque quelques fois au devoir de correspondance que je me suis imposé. 
Pour ce qui est d'aujourd'hui, je m'émerveille de retrouver le chemin que j'ai quitté il y a si longtemps déjà. Je sens que peu s'en faut que je ne laisse s'établir une douce nostalgie de ces lieux déserts où j'ai fini par m'établir. Et pourtant, durant toutes ces années, jamais l'idée d'un "chez moi" ne m'était venue à l'esprit. Ce n'est que maintenant que je l'ai quittée que mon île est devenue part de moi-même. Je suppose que l'on pourrait, non sans quelque vérité, extrapoler cette notion à bien d'autres aspects de nos vies... Pour l'heure, malgré la pluie et le vent, je marche vers où je ne sais...
Je recueille ça et là quelques petits souvenirs que j'ai nommé "l'immatérielle moisson". 


Gravats au milieux des gravats, la pelisse de Don Penúl gît. Inconscient, il peine à séparer ce qui est l'objet de ses pensées de ce qui, tout en possédant une nature rigoureusement semblable à la pensée, ne peut en être l'objet...

– Réveille-toi ! Faut pas rester là... Y vont arriver...
– Où m'emmenez-vous?
– À la réunion Ducon!

 
Don Penúl n'en croit pas ses yeux et si ses oreilles le démangent, il sent bien que le moment est bien mal choisi pour faire des remontrances à celui qui se dit son sauveur.


– Quelle est donc cette ville qui possède ces si beaux palais que je vois ci-devant le fleuve? Mon brave... 

– D'où tu sors toi?

On peut le voir, une distance incommensurable sépare les deux êtres dont la rencontre était des plus improbables... 

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