vendredi 27 novembre 2015

27 novembre (108) L’imposture

Épisode 108

"L’imposture comme un des beaux-arts"
La Genèse essoufflée
 Éditions Le Fléau
 
"Cher Joachim"
Le tragique est niché dans une distance presque imperceptible qui permet d'avoir conscience de sa propre folie. Il me semblait que nous avions sur ce point une sorte d'accord. Certes, il subsistait un certain nombre de différences, vitales à mon sens, mais qui ne nous empêchaient pas de penser que nous avions un socle commun.  Comment en sommes-nous arrivée à cet écart qui nous caractérise aujourd'hui?
Je vais vous dire la plus curieuse de mes pensées. Voyez-vous "Cher Joachim", j'en suis arrivé à la conclusion suivante: c'est quand je me penche sur le passé que le présent m'apparait. Curieux paradoxe, ne trouvez-vous pas? Et pourtant il est vrai qu'il s'est passé un grand nombre d’événements que je n'ai pas su voir ou entendre pour ce qu'ils étaient. Quelle sorte d'imposture a fait que je les aie vu ou entendu comme la manifestation de ce que je voulais qu'ils soient?
Plus précisément, comment ne les ais-je pas vu tels qu'ils se montraient?
Voyez-vous la nuance? 



"Qu'est-ce que l'intégrité?
Qu'est-ce que mon corps, sinon une carcasse
dans laquelle vont et viennent par hasard,
un certain nombre d'intérêts, et qui déambule
dans un pays auquel elle ne comprend rien?
(...)
Ne serais-je pas, en fin de compte,

pire que les symbolistes, qui se détournaient du monde réel
pour se complaire dans les brumes de leur époque? "

David Van Reybrouck,
Le Fléau


D'autres, moins dévots, mais engagé tout autant ne se contentent pas d'attendre. Avec des moyens gigantesques mais pour la plus grande part invisibles, ils observent. Du haut du ciel, ils voient tout et enregistrent patiemment.

– Venez, suivez-moi, je vais vous faire voir quelque chose qui va va vous intéresser, Don Penúl.

– Comment connaissez-vous mon nom? Je ne crois pas vous l'avoir dit...

– Vous parliez pendant votre sommeil.

– Et qu'ai-je dit d'autre encore.

– Beaucoup de choses... mais venez, hâtez-vous...

– Pourquoi tant de hâte, les rues sont désertes...

– C'est précisément pour cela que nous sommes si visibles...


Don Penúl, à nouveau songeur, n'en croit pas ses oreilles:

– Il connaît mon nom !

– Nous savons tout de vous. Ou presque... En tous les cas: plus que vous-même.

Puis à voix douce mais ferme, interroge à nouveau
– Pirate, avez-vous dit ?

Aucun commentaire: