mercredi 21 mars 2018

Le monde de l'enfant Lune grandit



"Le soleil n'était pas visible, mais le ciel brumeux recelait sa lumière, la projetait circulairement, d'une façon diffuse, et comme alourdie, épaissie, lumière plombée en quelque sorte, sur la paysage."

La deuxième mort de Ramon Mercader, Jorge Semprun, NRF Gallimard, 1969, p.40 





À l'intérieur des mondes, sous les yeux de spectateurs aveugles, certains autre mondes existent peut-être. Le problème est que tant que nous n'y pénétrons pas, leurs existences nous semblent impossible... Le monde des enfants Lune fait-il partie de ceux-là? Il est bien difficile de le dire.

– Certaines frontières sont parfaitement invisibles...

– Comment cela peut-il se faire?

– Déjà, seulement pour commencer, il y a ce que nous connaissons. Et au bord de"ce" que nous connaissons, c'est là que se trouve la première des frontières. Elle marque une limite.

– Est-elle infranchissable?

– Oui, en quelque sorte...

– Ne suffit-il pas d’améliorer nos connaissances pour que cette limite soit franchissable?

– Cela c'est ce que nous croyons... et il n'en n'est rien.

– Pourquoi?

– Parce que, cela va peut-être vous paraître étrange, mais, l'étrange ne retourne jamais au tout...

– Expliquez-moi. Il me semble que lorsque l'inconnu il devient le connu et ainsi nous franchissons...

– ... nous ne franchissons rien. Il est temps pour vous de reprendre l’examen de votre opinion sur le sujet. La limite se déplace... Toute limite se déplace... L'étrange, pas plus que l'autre ne revient au même*, quand il et connu, n'est plus l'étrange. Plus que cela, au moment même où l'étrange se comprend, il disparaît, il n'est plus.

– Mais le monde a grandi...

– C'est cela...

* « L’étrangeté ne réintègre pas la totalité. Elle n’en fait pas partie.»
 Marc-Alain Ouaknin, Lire aux éclats, Points Essais



Aucun commentaire: