mardi 14 mai 2019

(14) Pensée-barrage


« Que la pensée soit considérée comme une chose – c’est la première exigence pour qui veut s’instruire de cette réalité si singulière qu’on nomme « pensée ». On la perçoit nuageuse et volatile, suspendue, abstraite comme on aime à dire, car on croit qu’on ne la touche pas. Et pourtant elle touche, elle.»

Jean-Luc Nancy, Le poids d'une pensée, l'approche
 


– Où habitez-vous?
– Il me vient de drôles d’idées...
– Avant de m'en parler, ne voudriez-vous pas d’abord répondre à ma question?
– C’est votre question qui me fait venir ces drôles d’idées...
– Bon... alors quelles sont donc ces drôles d’idées?
– Quand vous me demandez où j’habite, apparaît dans ma tête une sorte de barrage. Une sorte de pensée-barrage...
– Quelle est elle?
– Elle se présente sous forme de question préalable à la vôtre : est-ce que j’habite? Et puis elle s’étend, se transforme et devient : qu’est-ce que le fait d’habiter? Et d’un coup, je ne puis plus vous répondre avant que j’éloigne ces pensées en mouvement...
– Vous n’êtes pas simple...
– Je ne suis pas si sûr de cela...
– Et moi je suis sûr au moins d'une chose...
– Laquelle?
– Vous ne m'avez pas encore répondu.
– Je suis d'accord avec vous.
– Ah! Enfin...
– Vous vous trompez. Je suis d'accord avec vous quand vous dites "pas encore"... car cela signifie que je vais ou, du moins, que je peux encore le faire... en réalité je vous répond depuis un long moment...
– Je ne l'avais pas remarqué.
– ... mais ma réponse ne peut vous satisfaire... 

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