Insolent bavardeur

 

"L’apparition des choses est rarement innocente et ne saurait être séparée de l’ensemble qui l’entoure, d’une totalité qui l’inquiète ou la fait. Cette totalité reste à définir."

 

Romain Menini, Les métamorphoses de l’Altérateur: sur quelques « extraicts de haulte mythologie » rabelaisienne

 

 

 

 

– Disons, pour l'exemple simplement, que Pinocchio, l'Autre, est "né tout altéré"... 

– C'est un jeu de mot? Vous vouliez parler de "nez altéré"?

– Que nenni... mais je note que l'esprit de notre diégèse vous vient peu ou prou... 

– Puis-je hasarder une conjecture?

– Hasardez, je vous en prie...

– Avant cela je voudrais vous poser une question.

– Je vous en prie...

– Croyez-vous que notre histoire soit entièrement le fait de notre maître?

– Il ne peut y avoir de doute là-dessus...

– Cependant vous en laissez planer un. Votre ton le laisse deviner. Il manifeste une légère suspension. 

– Je vous l'ai dit notre histoire, au moment même où elle apparait est entièrement écrite...

– Encore une suspension... A chaque fois je le sens il y a quelque chose  de plus présent dans ce qui voudrait apparaître comme une affirmation sans équivoque...

– Il m'est pourtant venu à l'oreille qu'il n'est rien, en ce qui concerne le langage, qui puisse être sans équivoque.

– Rien? Y compris notre maître? Est-ce là plaisante énigme, sarcasme ou lecture facétieuse?

– Prenez garde à la braise... la chose est obscure, mais des profondeurs rougeoyantes un mouvement se fait jour... le souffle du moindre mot fait grandir la flamme... La lumière qui jaillit éclaire avant que de réduire en fumée l'insolent bavardeur...