lundi 26 août 2024

Erreur et terreur

 


« C'est à moi à lui inspirer le libre exercice de sa raison, si je veux que son âme ne se remplisse pas d'erreurs et de terreurs, telles que l'homme s'en faisait à lui-même sous un état de nature imbécile et sauvage.»

Diderot



Grâce aux bons soins de ma nourrice, dont je n’ai point encore parlé, et des pastèques que m'avaient offertes mes amis,  bouffons, gardiens et rois, j'avais repris du poil de la bête. Au vu de ce qui m'était arrivé et de l’intérêt que ma personne et mon histoire suscitait, j'avais été engagé par le directeur du cirque. Je le soupçonnais, un peu, d’être intéressé et de vouloir en tirer un parti qui ne me semblait guère orthodoxe. Mais j'étais content d'avoir retrouver un cadre de vie qui me plaisait. Je paraissais pour de minuscules instants sur la piste pour assister l'un ou un autre membre de la troupe et pour cela je remettais ma fausse barbe et mon costume de théâtre. Cela me plaisait et cela avait l'air de plaire aux spectateurs. Il en était ainsi depuis un certain temps lorsqu’un soir, au détour d'un rideau, peut-être en plein milieu de la piste, impossible  de le savoir, les lumières brusquement s’étaient éteintes… et tout aussi brusquement une sorte de monstre menaçant me fit face.
–C'est moi, n'aie pas peur..!
J'étais tétanisé par la peur et incapable de prononcer un seul mot. Je ne savais pas qui c'était... 
Dans la nuit alentour j’entendais crépiter des éclats de rire.
– Viens ici p'tite crotte ! C'est moi, Melchior.
Je n'en revenais pas et je n'en croyais pas mes yeux. Ce n’était pas sa présence qui me faisait le plus peur… c’était ce qu’il avait dit! ahurissant! J’étais ahuri… Cependant la voix de cet homme était bien celle de Melchior que la peur m'avait masquée. Normalement… je ne me trompe jamais avec les voix et je reconnaissais aussi le moule à gâteau qu'il portait sur la tête… mais je ne reconnaissais pas cet être calme et réservé que j’avais rencontré… Il bouillonnait et bredouillait:
– Notre histoire, celle des trois rois, est un peu compliquée, me dit Melchior, qui était celui qui avait le moins de peine à s'exprimer. Nous ne sommes pas ceux que cous croyez… Nous portons de fausses barbes et sous ces barbes un peu tristes se cachent de joyeux lurons... Enfin c'est un peu du passé... Nous devrions utiliser l’imparfait… Mais de temps en temps, ajouta-t’il, j'aime faire de p'tites faces.
Il voulait dire de petites farces, comme plus tôt, il avait voulu dire carotte. Il aimait manger les mots. Un chose me tracassait tout de même. Melchior et ses deux frères m'avaient semblé être à peine plus grand que moi et là il m'apparaissait tel un géant...




La nouvelle vie de Don Carotte
ainsi que le facétieux dévoilement de trois rois déchus
qui lui offert tout ce qu'ils ont.
Lidane Liwl
Edition "Déclivité"

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