Ce qu'est un destin

Pinocchio, l'Autre, n'a de cesse de devoir se différencier d'avec celui dont il est précisément, au sens strict, autre.

– Dites-moi, vous qui avez beaucoup vécu, qu'est-ce donc qu'un destin?
– Ce qu'est le destin ou ce qu'est un destin...
– Le mien?
– Justement, il n'est pas vôtre. Aucun destin n'est véritablement indépendant d'un autre... Au-delà de ces fils qui nous relient, au même titre que le rideau qui nous voile et nous dévoile, vous n'êtes animé que par un souffle qui ne fait que passer...
– Diriez-vous que le destin, aussi marqué qu'il puisse être reste quelque chose de variable qui engendre sans fin une suite qui nous entraîne tous sans que rien ne puisse s'établir de stable. L'imagination est toujours au travail... même si la plupart du temps elle œuvre de manière invisible.
– Croyez-vous que nous puissions être une invention?
– Certainement, mais pas au sens que nous lui attribuons. Au sens que tout, constamment se renouvelle, à l'infini...
– Mais alors comment expliquez vous ce qui se répète?
– C'est aussi un renouvellement la chose renaît, presque identique à celle qui fut...
– Et alors?

– Tout est dans le presque. Une simple différence, aussi petite soit-elle, implique, joue le jeu...
– Quel jeu?
– Le jeu ou si vous préférez l'essence du jeu.
– C'est-à-dire?
– Une sorte d'espace ou les choses peuvent bouger...
– Ce n'est pas très clair!
– Quand un mécanicien fabrique une pièce qui va devoir interagir avec une autre il va la fabriquer, l'usiner, de telle manière que les parties s'interpénètrent parfaitement. Mais il veillera aussi à ce qu'il subsiste entre elles un subtil espace qui laisse la possibilité d'un jeu suffisant pour que la mise en mouvement puisse avoir lieu... pour que l'immobilité puisse être vaincue.