jeudi 26 octobre 2017

"Jour de tempête", suite (2)


LE PEINTRE, au poète.
 
—Vous êtes plongé, monsieur, dans la composition de quelque ouvrage? Quelque dédicace au grand Timon?


LE POÈTE

 
— C'est une chose qui m'est échappée sans y penser: notre poésie est comme une gomme qui coule de l'arbre qui la nourrit. Le feu caché dans le caillou ne se montre que lorsqu'il est frappé; mais notre noble flamme s'allume elle-même, et, comme le torrent, franchit chaque digue dont la résistance l'irrite. Qu'avez-vous là?


LE PEINTRE

 
— Un tableau, monsieur.

Et quand votre livre paraît-il?

LE POÈTE

 
— Il suivra de près ma présentation.

Voyons votre tableau.

LE PEINTRE

 
— C'est un bel ouvrage!


LE POÈTE, considérant le tableau

 
— En effet, c'est bien, c'est parfait.


LE PEINTRE

 
— Passable.


LE POÈTE

 
— Admirable! Que de grâce dans l'attitude de cette figure! Quelle intelligence étincelle dans ces yeux! Quelle vive imagination anime ces lèvres! On pourrait interpréter ce geste muet.


LE PEINTRE

 
— C'est une imitation assez heureuse de la vie. Voyez ce trait; vous semble-t-il bien?

 
LE POÈTE

 
— Je dis que c'est une leçon pour la nature; la vie qui respire dans cette lutte de l'art est plus vivante que la nature.*







 – La vue de cette chute, comme vous pouvez l'imaginer, avait suscité en moi une forte émotion, c'est ainsi que j'oubliais la présence de la vitre contre laquelle je butais assez violemment pour me casser le nez et... chose parfaitement imprévisible, la vitre... avait cédé. Le souffle coupé, emporté par le mouvement, sonné par le bruit et incapable de comprendre ce qui se passait, mon corps tout entier passait à travers les éclats et rejoignait ceux qu'il venait de voir passer. Au regard des choses qui me traversaient en cet instant, j'avais le sentiment de n'être plus déjà qu'un amas de pièces diverses dont je suivais le mouvement, incapable de leur donner sens et surtout vie. La suite allait me donner pleinement raison...



– C'est ainsi que je vis vos pieds disparaitre...



... avant que moi aussi je disparaisse...




* Timon d'Athènes, William Shakespeare










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